Gergiev à Bayreuth : réactions aux critiques
La nouvelle production qui ouvre la présente édition du Festival de Bayreuth est Tannhäuser avec une tête d'affiche dans la fosse : Valery Gergiev. Comme relaté dans notre compte-rendu, une partie du public n'a pas apprécié sa direction d'orchestre lors de la première, manifestant son mécontentement avec huées et sifflets. Ces mauvais retours venaient donc de la part du public, mais aussi de la critique musicale : Florian Zinnecker du journal Zeit remarquait que les musiciens jouaient de manière "floue et imprécise", sans enthousiasme, évoquant les décalages (rythmiques mais pas que) entre la fosse et les chanteurs. Gergiev répond aux objections dans une interview accordée au média russe Daily Storm, une réponse d'autant plus marquante que Valery Gergiev communique extrêmement peu :
« Ma responsabilité ne concerne que le compositeur, et non pas la personne qui a écrit quelque chose à ce sujet. C'est ainsi que je perçois tout mon travail et toute ma vie. Il y a à peu près trente ans, le grand chef d'orchestre Georg Solti m'a dit: "Ne lis jamais rien de bon ou de mauvais sur toi-même." C'était son conseil. J'étais très jeune à l'époque et il était l'un des plus grands chefs d'orchestre du siècle. Alors cela ne m'intéresse pas du tout. »
Plusieurs médias allemands ont annoncé que Valery Gergiev ne dirigera plus Tannhäuser à Bayreuth à partir de l'année prochaine, son remplaçant étant Axel Kober, le directeur musical du Deutsche Oper am Rhein de Düsseldorf (qui fit ses débuts à Bayreuth en 2013 justement dans Tannhäuser). Un des problèmes majeurs mis en avant concernant l'engagement de Gergiev est certainement son agenda extrêmement chargé, à ce point qu'il figure aujourd'hui comme l'un des artistes les plus sollicités au monde. Le Directeur du Festival de Verbier, Martin T:son Engstroem, nous a indiqué en interview que Gergiev (qui est également Directeur artistique de ce Festival) est resté une semaine sur place en Suisse (où il dirigea La Femme sans ombre), le Festival de Bayreuth s'étant organisé pour que la pré-générale de Tannhäuser ait lieu avant et la répétition générale après Verbier. Cela limita d'autant les possibilités de répétitions à Bayreuth, qui a une acoustique particulière –que différents chefs apprivoisent différemment.
Gergiev expliquait pourtant (dans un entretien donné à Bertrand Dermoncourt parmi un recueil publié en 2018 chez Actes Sud) et précisément que c'est en raison d'un manque de temps disponible qu'il ne dirigeait pas au Festival wagnérien, notamment car le Festival des nuits blanches à Saint-Pétersbourg dont il est le fondateur, se tient en même temps que celui en Allemagne.
Le lendemain de la deuxième représentation de Tannhäuser, il s'est envolé pour Tokyo où il dirige trois jours durant lors du Festival international du Pacifique, avant de passer par Vladivostok (la nouvelle filiale de Mariinsky) au Festival international de l'Extrême-Orient où il sera dans la fosse de Parsifal, avec le même plateau qui se présentera le mois prochain à la Philharmonie de Paris. Lors de sa reprise de baguette à Bayreuth (le 13 août), il alternera d'un jour sur l'autre entre la Bavière et Salzbourg où il est engagé pour Simon Boccanegra avec l'Orchestre Philharmonique de Vienne.
En guise de prélude au Festival de Bayreuth, Gergiev avait également dirigé pour trois dates au mois de juin dernier la nouvelle production de Tannhäuser au Mariinsky (mise en scène par Vyacheslav Starodubtsev), lors de la 27e édition du Festival des étoiles des nuits blanches à Saint-Pétersbourg. Le célèbre chef russe est d'ailleurs fréquemment loué comme l'initiateur du renouveau de la musique wagnérienne dans son pays natal, avec plusieurs nouvelles productions dont Parsifal (1997), Lohengrin (1999), le cycle de l'Anneau de Nibelung (2003), Tristan et Isolde (2005 par Tcherniakov), Le Vaisseau fantôme (2008) et Tannhäuser (2019). Pas moins de neuf spectacles wagnériens figurent ainsi dans le répertoire de la maison pétersbourgeoise. Par ailleurs, il figure dans trois enregistrements du label Mariinsky (Parsifal, L'Or du Rhin et La Walkyrie) avec des vedettes internationales de ce répertoire, telles que Jonas Kaufmann, René Pape, Nina Stemme et Anja Kampe parmi d'autres.