Pelléas et Mélisande à Liège : Geneviève par Marion Lebègue
« Geneviève, mère de Golaud et Pelléas n’apparaît qu’au premier acte. C’est une figure maternelle, rassurante et tendre mais qu’on sent contrainte par la figure masculine et la froideur des murs du château. Elle est accueillante pour Mélisande, elle essaye de projeter la lumière d’un avenir qu’elle espère plus serein.
Dans sa première scène, elle lit une lettre de Golaud. On apprend que Golaud a épousé Mélisande six mois auparavant et qu'il demande à Arkel de bénir cette union. Pelléas, qui est chargé de rapporter à Golaud l'accord de leur grand-père, souhaite se rendre auprès d'un ami malade, mais Arkel lui rappelle que son père est malade, lui aussi, et qu'il doit veiller sur lui jusqu'à sa guérison.
L’homogénéité que doit avoir la lecture de la lettre est très intéressante. La mère lit cette lettre en présence d’Arkel, figure forte et ferme. Elle ressent mais contient ses peurs. Ce sont les mots de Golaud et l’enjeu est important dramatiquement : tout y est ! Ses relations avec Pelléas, avec Arkel, sa rencontre résumée avec Mélisande et son mystère. Ses inquiétudes, mais aussi le fait qu’il n’évoque pas son fils, Yniold, que Geneviève évoquera après la lecture de cette lettre.
J’espère en faire un moment de narration pur, un moment suspendu du deuxième tableau où, à l’image d’une conteuse d’histoire, Geneviève embarquera le public dans son propre imaginaire et dans un décor avec des sentiments clairs-obscurs.
Au troisième tableau, Pelléas rejoint Mélisande et Geneviève dans le parc du château et ils regardent partir un vaisseau. Geneviève est témoin de l’amour naissant, à mon avis. Mais, elle prend son rôle de grand-mère d’Yniold plus encore à cœur et s’éloigne. Comme pour laisser libre une histoire dans laquelle elle ne veut pas risquer de constater la souffrance. Geneviève est empathique, observatrice et d’une grande sagesse. »
« Geneviève est d'abord le personnage maternel, confirme le co-metteur en scène Renaud Doucet : le personnage qui défend. C'est le personnage intermédiaire, qui voudrait que tout se passe bien, qui sent les choses mais ne les dit pas. Elle doit donc savoir aborder le non-dit... Elle doit avoir de la présence, une aura, naturellement, même sans rien dire. » « Elle sait toujours ce qu'il va se passer, poursuit le co-metteur en scène André Barbe, mais elle ne peut pas intervenir dans le développement des personnages. Dans cette société, on ne se permet pas de dire les choses (à l'époque on ne se sent pas libre, autorisé à dire tout ce que l'on veut). »
« Cet opéra garde une place de mystère théâtral, reprend Marion Lebègue, une distance émotionnelle rarement exploitée. L’onirisme nous permet d’imaginer un corps suspendu, une démarche et des gestes comme empreintes des mots. Au plus proche de la narration, mon chant déclamé devra rester lumineux et investi dans la tessiture d’alto, tout en gardant la souplesse de la prosodie demandée par Debussy. Les rythmes sont précis mais doivent donner la sensation d’une conversation naturelle. Simplicité et onirisme se rencontrent et m’amènent à créer un personnage avant tout lié aux mots plus qu’à ses émotions et aux enjeux dramatiques. Le spectateur doit se laisser surprendre, attendrir et guider et si j’investis trop le personnage émotionnellement, cela risque de bloquer l’imaginaire du public. Une prise de rôle est toujours un défi, et Debussy en est un autre. C’est son seul opéra, l’écriture est soignée et atypique. Cette déclamation colorée est nouvelle pour moi et je suis très heureuse de l’aborder avec Pierre Dumoussaud qui est déjà très à l’aise dans ce répertoire.
À Liège, je suis venue chanter Mallika la saison dernière dans Lakmé, revenir est évidemment un plaisir. Liège est une ville très agréable (je dois retenir la gourmande que je suis face aux gaufres) et l'Opéra Royal de Wallonie est une maison dans laquelle je me suis sentie très bien l’an dernier. L’orchestre est magnifique. Je vais retrouver aussi des collègues, chers à mon cœur, et j’ai hâte de découvrir le travail de Barbe et Doucet. »
Retrouvez ci-dessous les 10 épisodes de cette série dans laquelle les interprètes de cette production nous présentent leurs personnages (et pour réserver vos places, le lien est ici) :
1. Pelléas et Mélisande par Renaud Doucet
2. Pelléas par Pelléas par André Barbe
3. Pelléas par Pelléas (Lionel Lhote)
4. Golaud par Simon Keenlyside
5. Arkel par Inho Jeong
6. Geneviève par Marion Lebègue
7. Yniold par Judith Fa
8. le médecin par Roger Joakim
9. l’enfance d’un chef
10. interludes