Festival de Pâques d'Aix-en-Provence 2024 : Le Messie de Haendel
« Lorsque nous avons programmé ce Messie, je n'avais jamais dirigé cette œuvre avec mes ensembles, Insula Orchestra, ni accentus (ils l'ont chantée avec d'autres chefs, et je l'ai dirigée ailleurs).
J'aime beaucoup Haendel, j'ai beaucoup travaillé son répertoire alors le temps était venu pour nous de le faire ensemble. Ce sont des fresques qu'il faut parcourir idéalement plusieurs fois dans sa vie. Je l'ai donc également proposée au Festival de Pâques qui a été très intéressé. Le Messie est souvent interprété à Noël mais il a été créé à Pâques.
Certes, la première partie est sur la naissance du Christ mais la deuxième est consacrée à la passion et la troisième à la résurrection. C'est donc une fresque tout aussi légitime à Pâques qu'à Noël.
C'est une très grande fresque, or j'adore les grandes formes et je suis fascinée par celle du Messie qui est exceptionnelle dans son articulation, dans ses arcades. L'œuvre est très vivante, très variée dans ses atmosphères. L'écriture est à la fois pensée dans la grande échelle architecturée et demande en même temps de prendre soin de chaque détail. Haendel fait la synthèse de plusieurs esthétiques baroques : une choralité très à l'anglaise, un style français aussi avec des rythmes pointés, et un grand contrepoint allemand également (qu'Haendel avait parfaitement étudié et maîtrisé). Le lange est aussi opératique (Haendel a tellement écrit d’opéras), en transparaissant dans cette esthétique religieuse. C'est à l'image du parcours de Haendel.
C'est une œuvre à portée universelle, portant des messages d'espoir et de joie, d'humanité, de paix (le mot Peace revient régulièrement). C'est aussi ce qui la rend universelle et continue de faire son succès. L'œuvre parle à tous et à chacun.
C’est un chef-d’œuvre que nous voulions aussi forger à notre manière. Je suis une ardente défenseure des instruments d'époque, notamment dans le baroque, parce que les balances sont meilleures, les musiciens connaissent très bien ce langage, ils en connaissent les articulations et ornements, avec aussi la science rhétorique de cette époque. Paradoxalement toute cette formation donne beaucoup de liberté (ce qui est indispensable ne serait-ce que parce que les partitions à l'époque sont loin de tout noter : elles ne rappellent pas les conventions d'interprétation et laissent de grandes marges d'expressivité).
C'est ainsi qu'on s'approprie l'œuvre, par le respect de traditions d'interprétation et la liberté d'expression musicale.
Nous travaillerons ainsi avec les solistes au Grand Théâtre de Provence. Comme j’adore le faire avec Sandrine Piau qui chante depuis longtemps les opéras de Haendel et a cette esthétique dans la voix. J'ai fait mon premier Messie avec Stuart Jackson à Cardiff, il est un des grands ténors anglais dans ce répertoire et il est aussi extraordinaire dans sa liberté, celle d'une parole délicate, renversante qu’il nous apportera à nouveau. Alex Rosen est une étoile montante avec une autorité vocale incroyable et très souple.
Enfin, nous nous sommes rencontrés avec Jakub Józef Orliński en étant tous deux invités dans l’émission Mélodies Nocturnes présentée par Michel Mompontet sur France Info.
Jakub chante très bien et il attire aussi un nouveau public. C'est très important pour moi, avec le projet Insula, et notre grand intérêt envers les jeunes mélomanes et artistes.
Nous sommes sur la même longueur d’onde et nous voulions travailler ensemble depuis cette émission : ce sera ainsi chose faite pour le Festival de Pâques.
Nous pourrons ainsi nous lancer ensemble, dès l’esprit de la Nativité au début de l'œuvre.
Haendel a très bien retrouvé le climat de l'annonce de la naissance aux bergers, avec une forme de juvénilité musicale.
Ce chœur “For unto us a child is born” est très charmant et il arrive tôt dans le concert. On sent alors le sourire des gens sur leurs visages, avec cette harmonie qui paraît simple mais qui est très sophistiquée avec ses petites réponses fuguées.
Et puis le “Wonderful, Counsellor” donne vraiment une dynamique. Tout cela nous apporte de la joie. On voit ainsi combien dans une telle œuvre, la fraîcheur et la juvénilité alternent avec les plus grandes pensées spirituelles et de la majesté. Tous les caractères sont précis.
Et puis il y a le fameux Alleluia, qui démarre pourtant avec un petit ensemble très doux de cordes. Mais quand le chœur entre, et se fait reconnaître, on entend alors un grand soupir enthousiaste du public ! »
Retrouvez les deux autres épisodes de cette série : Le Chant de la Terre et Les Indes galantes par François-Xavier Roth et la Missa solemnis de Beethoven par Jérémie Rhorer et vous pouvez retrouver le programme complet & réserver vos places pour le Festival de Pâques d'Aix-en-Provence 2024 à cette adresse