Les Fées du Rhin ( Offenbach ) - Grand théâtre de Tours
Spectacle du 02/10/2018
Il ne s'agit pas ici d'une création mondiale comme cela a été dit, mais d'une première création en Français. Bravo à l'Opéra de Tours et à son directeur Benjamin Pionnier d'avoir programmé cet ouvrage fort, ainsi qu'à Jean-Christophe Keck, qui par son formidable travail, nous permet de le redécouvrir.
Si nous pouvons évidemment être mécontent que le talentueux metteur en scène Pierre-Emmanuel Rousseau ait pris quelques libertés avec le livret original, il n'en est pas moins indéniable que sa mise en scène fonctionne. Nous sommes transportés au milieu de la guerre des Balkans, au livret fantastique est transposée la réalité de la guerre et s'il est bien aidé par un plateau d'artistes exceptionnels scéniquement, il y a une force visuelle d'une intensité rare, au point d'être vraiment mal à l'aise dans la scène finale du premier acte, servie principalement par le duo Serenad Uyar et Jean-Luc Ballestra. Nous trouvons bien quelques longueurs dans le 2ème et le 3ème acte, tant scéniquement que musicalement, mais le 4ème acte est d'une très grande intensité, c'est à la fin que le metteur en scène laisse le plus radicalement son interprétation prendre en contradiction l'histoire originale, puisque nos héros ne seront pas sauvés par les elfes, mais trouveront leur salut dans la mort, un superbe tableau final nous laisse médusés. Choquant ? pour certains oui, mais si l'on fait bien attention au texte et que l'on entre dans l'univers proposé ici par Pierre-Emmanuel Rousseau, tout devient logique, le réalisme du travail scénique fonctionne parfaitement. Bravo.
Le plateau vocal est excellent, avec Serenad Uyar dans le rôle principal de Laura, nous trouvons ici une technique vocale irréprochable, dans cette partie d'une difficulté extrême. Tout y est, puissance et beauté, avec des graves dignes d'une voix de Mezzo, des aigus d'une facilité déconcertante et des sons filés "pianissimi", du grand art...
Marie Gautrot est quant à elle une Hedwig d'une grande intensité avec une largeur de voix impressionnante.
Le Conrad de Jean-Luc Ballestra est aussi très convaincant, scéniquement parfait, la beauté de sa voix fait mouche et si le rôle est très lourd, il s'en sort jusqu'au bout avec beaucoup de professionnalisme.
Le ténor Sébastien Droy se distingue par un très beau phrasé et une présence indéniable.
Le jeune Guilhem Worms est certainement un nom à retenir, il conduit sa voix très intelligemment et nous offre une belle prestation scénique.
Notons également Marc Larcher, qui malgré ses rares apparitions, se fait agréablement remarquer.
À la baguette, nous retrouvons Benjamin Pionnier, sûr de lui, il mène son orchestre d'une main de maître, nous offre de belles couleurs et arrive à tenir notre curiosité à découvrir cette belle musique pendant plus de 3H30. Bravo à lui et à tous les musiciens de l'orchestre. Très beau travail des choeurs également.
Le public ne s'est pas trompé, en offrant une belle ovation à tous les protagonistes. Ce spectacle sera à l'affiche du théâtre de Bienne dans les prochains mois, à aller découvrir d'urgence.
Jacques Sarant