JODIE DEVOS ET L'ENSEMBLE CONTRASTE CELEBRENT OFFENBACH AUX BOUFFES DU NORD
On a retrouvé dans le concert donné par Jodie Devos en hommage à Offenbach lundi 17 juin (aux Bouffes du Nord) ce qui fait le prix de son CD : si la diction se fait u peu confuse dans le registre aigu et si la voix paraît toujours trop pulpeuse, trop incarnée pour la très belle mort d’Eurydice (plagiée par Gounod dans sa Mireille !) ou pour la romance d’Elsbeth (dont les notes longuement tenues dans l’aigu demandent une couleur plus diaphane, plus éthérée), l’abattage, la précision, le style, l’humour sont bel et bien présents et rendent pleinement justice à ces pages tantôt spirituelles, tantôt charmantes, drôles ou touchantes. Retenons en particulier le charmant rondo de Ciboulette de Mesdames de la Halle, chanté de manière enjouée dans un tempo très vif, qui fait très heureusement oublier la version gravée jadis pour EMI par une Mady Mesplé pas au mieux de sa forme et privée de graves, dirigée avec une pesanteur inconcevable par Manuel Rosenthal. Plus-value non négligeable par rapport au CD : la présence, le charme, le sourire de l’interprète et sa très belle complicité avec les musiciens de l’Ensemble Contraste. Virtuosité, puissance, médium et graves bien assis : autant de qualités qui auraient pu faire de Jodie Devos une très belle Armgard si un Opéra, à l’instar de celui de Tours, avait daigné se pencher sur Die Rheinnixen en cette année du bicentenaire. Mais doit-on en être surpris lorsqu’on constate que la seule contribution de l’Opéra de Paris au bicentenaire consiste en la reprise des Contes de Carsen usé jusqu’à la trame (20 ans d’âge !) et indéfendable musicalement ? L’Opéra-Comique a perdu une belle occasion de proposer une alternative à la vision du metteur en scène canadien, et de faire entendre une version reposant sur une vraie réflexion musicologique…
Une excellente surprise enfin : les pages orchestrales ne sont pas là pour meubler en attendant que la chanteuse reprenne son souffle, mais possèdent la même intensité, le même charme que les morceaux vocaux : les arrangements pour alto, violoncelle, clarinette et piano de Johan Farjot sont des bijoux d’élégance (magnifique Barcarolle !) et de drôlerie, et les quatre musicien (Johan Farjot lui-même au piano, Arnaud Thorette à l’alto, Antoine Pierlot au violoncelle et Jean-Luc Votano à la clarinette) rivalisent de charme et de musicalité pour donner aux extraits interprétés les couleurs et l’émotion requises. Les Harmonies du soir, adaptées pour alto et piano (curieux choix puisqu’on disposait d’un violoncelliste…) ou Les Larmes de Jacqueline constituent ainsi de vrais moments d’émotion ; et l’air du Brésilien (attaqué en pizzicato par le violoncelliste !) ou le Cancan d’Orphée (qui déchaîne les musiciens et constitue pour eux une véritable épreuve physique) sont absolument irrésistibles.
Bravo les artistes !