Le Festival de Bayreuth est fondé par Richard Wagner lui-même en 1876. Ce partisan par excellence de la « gesamtkunstwerk », c’est-à-dire l’œuvre d’art totale cherche en effet un écrin à sa vision artistique, un lieu pour jouer ses œuvres telles qu’ils souhaitent les entendre jouer, dans une mise en scène qui corresponde à sa vision. D’autant que la longueur conséquente des œuvres de Wagner, notamment de son cycle de quatre opéras, le Ring, fait du festival d’été le contexte idéal pour profiter des œuvres. Par ailleurs, le compositeur caractériel s’est brouillé avec son principal mécène, le roi Louis II de Bavière, et souhaite prendre son indépendance. La ville de Bayreuth est d’ailleurs choisie en partie parce qu’elle n’est pas située dans une zone où Richard Wagner a vendu les droits de ses œuvres. C’est cependant tout de même Louis II qui finance la première édition du festival, les appels au soutien des admirateurs du compositeurs s’avérant insuffisants. En effet, celle-ci est plus coûteuse que prévue, le Théâtre de Bayreuth déjà existant s’avérant inadapté car conçu pour des œuvres de chambre et non pour les orchestrations monumentales de Wagner. Si l’architecture extérieure du Palais du Festival qui est bâti pour l’occasion n’a rien d’extraordinaire, la grande spécificité du bâtiment est d’ailleurs la disposition de la fosse. Celle-ci est située entièrement sous la scène, afin d’offrir une acoustique qui permette aux chanteurs de se faire entendre face à la fureur de l’orchestre. Par ailleurs, Wagner souhaite que l’orchestre soit invisible pour qu’il n’existe aucune distraction au spectacle. Cela constitue d’ailleurs un grand défi pour tout chef à Bayreuth, qui doit diriger dans la pénombre, sans voir ni être vu directement de la scène.

La première a lieu en 1876. Elle s’ouvre par une performance du Ring. C’en est la première performance complète, les deux premiers volets, L’Or du Rhin et la Walkyrie ayant déjà été joués individuellement contre l’avis de Richard Wagner, qui considère que le Ring doit être vu comme un tout. C’est un succès artistique retentissant, qui marque profondément des spectateurs tels que Tchaïkovski, Bruckner, Nietzsche ou Grieg. En revanche, c’est un fiasco financier, et il faut attendre 1882 pour la deuxième édition. Celle-ci s’ouvre avec la première mondiale de l’ultime opéra de Wagner, Parsifal, dirigé par Hermann Levi, qui devient le chef principal de Bayreuth. L’opéra, que Wagner appelle une « Pièce de Festival », est conçu pour n’être joué qu’à Bayreuth. Richard Wagner souhaite en effet assurer une source de revenu stable à sa femme Cosima et à ses enfants après sa mort, qui survient d’ailleurs l’année suivante. Cosima prend alors la direction du festival, puis laisse la main à son fils Siegfried en 1906. Celui-ci renouvelle quelque peu les mises en scène, que sa mère se refusait de changer d’un moindre détail, mais reste très fidèle à la tradition, gardant même les décors d’origine. Le monopole de Bayreuth sur Parsifal perdure jusqu’en 1914, quoique certains opéras bravent l’interdiction.

A la mort de Siegfried en 1930, c’est sa femme Winifred qui prend la direction de Bayreuth. C’est le début d’une période trouble pour Bayreuth. En effet, Winnifred Wagner est une amie très proche d’Adolf Hitler, au point que la rumeur les a même dit amants. Wagner étant le compositeur préféré du chef du parti nazi, le Festival de Bayreuth bénéficie d’un traitement préférentiel. Paradoxalement, en raison de cette faveur, des chanteurs juifs peuvent continuer de se produire à Bayreuth, longtemps après avoir été interdits de salle partout ailleurs en Allemagne. Le Troisième Reich est également l’occasion de l’abandon des décors d’origine. Pendant la guerre, le Parti Nazi prend la direction du Festival, qui accueille les soldats allemands convalescents.

Si la ville de Bayreuth est très touchée par le bombardement des Alliés, le Palais du Festival reste intact. A la libération, Winifred Wagner est condamnée pour son soutien au Parti Nazi, et se voit interdite de direction du Festival. Ses fils Wieland et Wolfgang lui succèdent. Dans l’immédiat après-guerre, le Festival Wagner ferme ses portes. Le pangermanisme de ses œuvres et l’adoration qu’Hitler lui portait font perdre à Wagner de sa popularité à l’époque de la prise du conscience du génocide. Le Palais du Festival accueille toutefois des opéras d'autres compositeurs.

Wagner revient à Bayreuth en 1951 avec un Parsifal dirigé par Furtwängler. Wolfgang et Wieland ont une approche très différente l’un de l’autre. Le premier est traditionaliste tandis que le second est un iconoclaste. Ainsi, la mise en scène des Maîtres Chanteurs de Nuremberg par Wieland en 1956 fait scandale, car elle est extrêmement minimaliste, se dispensant des costumes d’époque, rendant ainsi l'opéra intemporel. Malgré la fureur des puristes, nombreux sont ceux qui approuvent cette nouvelle direction. En effet, se réclamer de la vision d’origine de Richard Wagner n’apparaît plus comme une évidence à l'heure de la disgrâce du compositeur. En 1961, Grace Bumbry devient la première Noire à se produire au Palais du Festival dans un nouveau Tannhäuser progressiste. Malgré les résistances initiales, la « Vénus noire », comme elle est surnommée en raison de son rôle, finit sa performance sous les acclamations. A la mort de Wieland en 1966, Wolfgang conserve la direction administrative de Bayreuth, mais en transmet la direction artistique au Wagner Werkstatt (« L’Atelier Wagner »). Cet atelier permet aux metteurs en scène de se succéder, au lieu de conserver les mêmes versions chaque année. L’apport le plus retentissant du Wagner Werkstatt est sans aucun doute le Ring du centenaire (1876) par Patrice Chéreau. Celui-ci pousse encore plus loin le travail mené par Wieland Wagner, en offrant une lecture critique du Ring. Il le situe non dans des temps mythologiques mais à l’époque même de Richard Wagner. Les Nornes y sont des filles de joie, les Nibelungs des ouvriers et les dieux des industriels. Si la première est très controversée, la dernière représentation en 1980 finit sous les ovations du public, d’autant que la direction musicale de Pierre Boulez a conquis d’emblée.

En 2008, Wolfgang Wagner prend sa retraite. Ce sont finalement ses filles Eva Wagner-Pasquier et Katharina Wagner qui lui succèdent. Christian Thielemann, un chef habitué du Festival, y est nommé conseiller musical. Bayreuth demeure le lieu de pèlerinage incontesté de tous les amateurs de Wagner. Il est notoirement ardu d’y acquérir une place, l’attente pouvant durer des années. En règle générale, Bayreuth donne un Ring entier chaque année durant quatre ans, avant un intervalle d’un an permettant un changement de production. Les années avec Ring, trois autres opéras sont donnés. Les années sans Ring, cinq opéras sont donnés. Tous de Wagner. Le Ring en cours est celui de 2013 créé par Frank Castorf. En 2015, Christian Thielemann est nommé directeur artistique du Festival.