Munich est la première ville allemande à avoir sa propre scène lyrique, datant du règne de l’Electeur Ferdinand Marie (1651-1679), qui introduit le baroque italien en Allemagne. La première salle est construite en 1657 sur la place du Sauveur. La seconde salle, le Théâtre Cuvilliès, est inaugurée en 1753. Le bâtiment, de style rococo, est conçu pour être un théâtre privé, dont l’usage est réservé à la cour. Il accueille notamment la création d’Idoménée, l’un des premiers chefs d’œuvre de Mozart en 1781, et il s’agit de la plus ancienne salle encore (parfois) utilisée de nos jours.

Néanmoins, lorsque la salle de la place du Sauveur est fermée en 1802 pour cause de délabrement, le Théâtre Cuvilliès, qui est donc alors privé, doit être ouvert au grand public. La jauge de la salle s’avère cependant insuffisante, et en 1811, le Roi Max I valide les plans de l’architecte Karl von Fischer pour la salle actuelle. Le Théâtre-National (qui est encore utilisé aujourd'hui), de facture néoclassique, est inspiré du Théâtre de l’Odéon parisien, qui supprime les loges, donnant à la salle une structure plus libre et ouverte, en accord avec les idéaux démocratiques de l’époque. Des problèmes financiers et les guerres napoléoniennes interrompent un temps la construction, qui n’est achevée qu’en 1820. Hélas, la salle flambe trois plus tard, même si elle est reconstruite à l’identique dès 1825.

La règne de Louis II de Bavière de 1864 à 1886 est sans doute la période la plus légendaire de la salle. En effet, le monarque excentrique est un grand mécène, délaissant ses responsabilités politiques pour financer des projets extravagants. Louis II est en particulier un admirateur fervent de Wagner, dont il connaît Tannhäuser et Lohengrin. Alors que le compositeur est en disgrâce pour ses partitions radicales, sa vie personnelle tumultueuse et ses problèmes d’argent, Louis II lui offre un soutien inconditionnel. Le Théâtre-National accueille donc les premières de chefs d’œuvre tels que Tristan et Isolde (1865) et Les Maitres-Chanteurs de Nuremberg (1868). Certaines performances se déroulent dans une salle entièrement vide à l’exception du monarque, Louis II étant d’une timidité maladive. Il persuade même Wagner de présenter les deux premières œuvres de son Ring, alors que celui-ci souhaitait ne les montrer qu’une fois la tétralogie achevée. La première de l’Or du Rhin a lieu en 1869, celle de la Walkyrie l’année suivante, après quoi c’est à Bayreuth que Wagner crée ses œuvres.

Cette période est aussi celle de la création du Festival d’été de Munich, géré par la compagnie de l’Opéra d’Etat de Bavière, et qui débute en 1875. Après la mort de Wagner (et de celle de Louis II), la salle voit également la création de l’une de ses œuvres de jeunesse, Les Fées, en 1888. En 1901, c’est Les Maitres-Chanteurs de Nuremberg qui est choisi comme ouvrage inaugural pour le Théâtre du Prince Régent, lieu construit pour être la résidence du Festival d’été.

D’autres personnalités marquent par la suite la maison, en premier lieu Richard Strauss, qui est d’ailleurs un enfant de la ville. Il y est directeur musical de 1894 à 1896, et certaines de ses œuvres y seront crées par la suite. Citons également Hans Pfitzner, qui y crée son chef d’œuvre Palestrina en 1917 et Hans Knappertsbusch, éminent wagnérien qui en assure la direction musicale de 1922 à 1935. Celui-ci est cependant contraint de fuir avec la répression nazie. La période voit néanmoins la création d’œuvres importantes de Richard Strauss telles que Jour de paix (1938) et Capriccio (1942). Un an après la première de l’ultime opéra de Strauss, le Théâtre-National est totalement détruit par les bombardements alliés.

La restauration de l’après-guerre est assurée par le directeur Georg Hartmann (1945-1952) et le maestro Georg Solti (1946-1952). Tout en excellant dans le répertoire wagnérien et straussien qui a fait la grandeur de l’institution, Solti met en avant des innovateurs contemporains tels que Paul Hindemith. Toutes les représentations ont alors lieu au Théâtre du Prince Régent, puisqu’il faut attendre 1958 pour la réouverture du Théâtre Cuvilliès, et cinq années supplémentaires pour celle du Théâtre-National inauguré en 1963 par une œuvre de Strauss, La femme sans ombre, qui redevient dès lors la scène principale de l’institution.

Dans les décennies suivantes, l’Opéra d’Etat de Munich continue d’être un lieu de création, accueillant notamment la création de Lear d’Aribert Reimann (1978), œuvre composée pour Dietrich Fischer-Dieskau, qui en assure le rôle-titre, dans une mise en scène de Jean-Pierre Ponnelle et sous la direction de Wolfgang Sawallisch, qui est alors directeur musical. Sawallisch s’illustre notamment par sa direction de projets pharaoniques : une intégrale Wagner en 1983 (treize opéras), un Ring complet en dix jours en 1987, une intégrale Strauss en 1988 (vingt-en-un opéras).

De 1993 à 2006, le directeur Peter Jonas insuffle une orientation plus expérimentale à l’institution, accueillant des mises en scène radicales, ce qui donne à Munich l’image d’un pilier des scènes acquises aux metteurs en scène radicaux, attirant l’attention des critiques du monde entier. La plus légendaire est peut être celle de Jules César de Haendel par Richard Jones lancée en 1994, qui remporte un immense succès et remet le baroque au répertoire de la capitale bavaroise. Peter Jonas bénéficie à partir de 1998 jusqu’à la fin de son mandat de la direction musicale du maestro Zubin Mehta. Celui-ci est alors remplacé par Kent Nagano, remplacé à son tour en 2013 par Kirill Petrenko, l’actuel directeur musical, le directeur général étant Nikolaus Bachler depuis 2008. La scène demeure l’une des plus grandes maisons d’Europe, notamment grâce à la présence soutenue de vedettes telles que Jonas Kaufmann et Anja Harteros. Munich accueille plus d’une quarantaine d’opéras par saison, dont une demi-douzaine de nouvelles productions, qui incluent des créations, comme par exemple South Pole de Miroslav Srnka en 2016.