Passion Vivaldi avec Consort Salle Gaveau
Le concert de ce soir propose de raconter, en musique, la vie de Vivaldi en s’inspirant à la fois de sa biographie et de toutes les anecdotes et légendes forgées autour du « prete rosso » (prêtre roux). Ainsi les musiciens interprètent-ils son tempétueux Concerto pour violon en ré mineur, en écho à l’histoire (douteuse) selon laquelle Vivaldi serait justement né une nuit de tempête… C’est également l’occasion, pour les artistes, de présenter un air inédit de Vivaldi et leur propre reconstitution de la fin d’un autre de ses concertos inachevés. Mais Vivaldi n’est pas le seul compositeur représenté ce soir, et c’est par un extrait de La Divisione del Mondo de Giovanni Legrenzi, maître de chapelle à la Basilique Saint-Marc où jouait le père de Vivaldi, que commence le programme. Bach est également présent dans un Andante inspiré des compositeurs vénitiens, ici d’Alessandro Marcello. Enfin, la musique lyrique n’est pas en reste avec les airs d’opéras de Vivaldi qui rayonnent également.
Théotime Langlois de Swarte insuffle son énergie chez tous les musiciens de ce Consort, qui lui répondent et l’accompagnent avec autant d’intensité que de netteté, en suivant avec grande attention le soliste. Lui-même propose un jeu solide, à la fois fluide et tranché, parfois endiablé, cherchant à relever la tension dramatique de la musique, mais se laissant également, dans les plus beaux moments, dériver vers une certaine douceur (notamment dans le « tube » de L’Été). Le public peut d’ailleurs remarquer de temps à autre, outre sa concentration, un sourire sur son visage alors qu’il joue. Quant à tous les musiciens, ils partagent une grande alchimie et rient tous ensemble.
Au clavecin, Justin Taylor fait une fois de plus montre de la délicatesse précise de son jeu, à la fois mathématiquement ordonné, et néanmoins pourvu d’une émotion tacite, mais réelle. Elle est déjà présente dans la première œuvre, celle de Giovanni Legrenzi qui ouvre le concert et débute par le seul clavecin, calme et serein, avant d’être repris par les violons. Quant à Bach, c’est comme une seconde nature et le claveciniste s’y font avec aisance, en relevant harmonieusement, mais distinctement, chacune des notes.
Enfin, Adèle Charvet prête sa voix à Vivaldi. Le timbre est clair, quoique pas tout à fait lumineux, mais feutré, ombragé par les graves de la mezzo-soprano. Là aussi, l’engagement est présent et Adèle Charvet se fond dans chacune des arie qu’elle interprète, notamment l’intense « Gelido in ogni vena » (extrait de Farnace) où, alors que la musique commence, son visage, au début souriant, se crispe peu à peu dans l’inquiétude terrible du personnage, avant de commencer à chanter. Le chant est d’ailleurs souple, quoique l’articulation de l’italien ne soit pas toujours si nette, en particulier dans le dernier air « Alma oppressa » (de La fida ninfa), un exercice de vitesse et de précision – qui ne laisse d’ailleurs pas indifférent le public, qui l’applaudit à grands éclats.
Si la salle n’est pas comble, elle est néanmoins bien habitée et le public remercie les artistes d’applaudissements eux-mêmes tempétueux. Il retrouve Hændel dans Lascia ch’io pianga en bis, qu’Adèle Charvet interprète avec une douce émotion et, à nouveau, la vivacité de Vivaldi avec « Alma oppressa » qui conclut la soirée.