Luxuriante Naissance de Versailles à la Chapelle Royale
Le jeune chef, spécialiste de la musique du XVIIe siècle, a voulu, pour commémorer la fondation de ce qui n’était alors qu’un simple pavillon de chasse que Louis XIII affectionnait particulièrement, et qui deviendra par le bon vouloir de Louis XIV le palais connu à travers le monde, monter de toutes pièces un programme inventif et ambitieux, à partir de musiques de l’époque issues exclusivement de manuscrits de compositeurs français.
Jean-Baptiste Nicolas a donc imaginé ce qu’aurait pu être la Messe de Consécration du Château de Louis XIII, en mixant savamment deux œuvres principales, la Messe à double choeur de Nicolas Formé et le Magnificat pour Orgue de Jean Titelouze, le tout saupoudré de pièces emblématiques de Bouzignac, de Du Caurroy ou de Philidor…
La Messe a double chœur de Formé méritait effectivement d’être l’élément central de cette composition, d’abord par la majesté limpide de son écriture mais aussi par les contrastes saisissants des numéros qui la composent, alternant des implorations déchirantes dans le Kyrie jusqu’à d’audacieuses cassures de rythme dans le Gloria et le Credo… Le Magnificat de Titelouze, lui, opère une sorte de charme vénéneux avec ses multiples variations énigmatiques, les deux organistes (Pierre Chépélov et Gildas Guillon) usant d’un éventail de jeux complexes et disparates pour en traduire les différentes ambiances très marquées, en dressant en quelques dizaines de secondes de véritables tableaux de Maitres pour illustrer la Visitation de l’Ange Gabriel auprès de la Vierge Marie.
Le Consort Musica Vera, sous la main précise mais parfois un tantinet raide et mécanique de Jean-Baptiste Nicolas, déploie des phrasés grandiloquents et des moments de recueillement suspendus de fort bon goût. La clarté du continuo, la volubilité des cordes et l’onctuosité des cornets et des sacqueboutes (ancien trombone) lui confèrent un son très convaincant. Seules quelques attaques de cuivres (les trompettes d’époque sont sujettes à des lancées hasardeuses) viennent perturber très momentanément cette construction bien huilée.
Le Chœur de l’Opéra Royal de Versailles se distingue ici par sa très bonne tenue sonore, en terme de rondeur des pupitres tout d’abord, d’un éventail de nuances très varié, mais surtout par la maitrise de langoureux phrasés longuement distillés et toujours justes, avec des déclinaisons en demi-teinte très raffinées.
Le Chœur de la Maitrise du Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris, préparé par Edwige Parat, qui n’intervient que sur quelques pièces magistrales et guerrières ou triomphales, comme l’imposant Domine salvum fac regem de Bouzignac, qui clôt le programme de manière éclatante, fait montre d’une belle précision dans la préparation de ses interventions, malgré des déplacements un peu erratiques à la tribune de l’orgue.
Subjugué par le constant balancement entre pièces tendres et apaisées comme la délicate Pavane faite au Mariage de Monsieur de Vandosme de Philidor, ou l'héroïque Victoire de ce même compositeur, le public applaudit à tout rompre cette soirée de commémoration à l’envergure royale, et voit ses bravos récompensés par un bis enjoué en Allemand, une ode à la Natalité du Christ (de Praetorius).