La Tosca resplendit sous les étoiles à Salon-de-Provence
La nuit est tombée dans la cour Renaissance du Château de l’Empéri, la scène est installée, les pierres sont prêtes à offrir leur qualité acoustique, les gradins sont remplis, le silence règne. Une annonce rappelle pourtant une triste réalité : un souci médical touchant le responsable des surtitrages, ceux-ci ne pourront être projetés sur les murs du château. Un texte en voix off est lu avant chacun des actes, pour éclairer le public non familiarisé avec l'œuvre et l’italien.
La mise en scène de Stefano Orsini campe habilement les différents lieux du drame : un autel avec des candélabres, un immense portrait peint par Mario Cavaradossi et une grille menant vers les jardins. Dans le deuxième acte, le rouge sang omniprésent (tentures, sofa, éclairages et même la robe resplendissante de Floria Tosca) annonce le coup de poignard fatal pour le tortionnaire Scarpia.
Sur la terrasse du château Saint-Ange, dont la préparation est plus longue, un canon et un tas de boulets vont jusqu'à détailler ce lieu d’exécution. C'est le pan de mur éclairé de l’Empéri, bordé d’un muret, qui sera enjambé par Tosca au moment de son suicide. La cour sera alors plongée dans le noir, accueillant les dernières notes de l’opéra et ses sommets d'émotion.
Face aux enjeux d'une représentation en extérieur, les regards des chanteurs sont rivés sur la direction précise et efficace de Stefano Giaroli. Son Orchestra Sinfonica “Cantieri d’Arte” marque les thèmes comme il égrène les notes avec délicatesse. Un petit piano numérique permet d’interpréter quelques phrases d’orgue et un clavier miniature aux sons préenregistrés, relié à un ampli, remplace les cloches (imperceptiblement fausses) de l’Église Sant'Andrea.
Le Chœur de l’Opéra de Parme, vêtu de chasubles rouges rehaussées d’encolures blanches sort du public et glisse devant la scène, pour interpréter l’office avec soutien, nuances, émotion. La cour Renaissance est alors plongée dans l’obscurité. Le public retient sa respiration.
Mihaela Dinu incarne le rôle-titre avec sa voix de soprano au vibrato assez ample. La palette de nuances est riche et subtile, du pianissimo délicat au fortissimo bouillonnant. Le texte est nettement articulé, les vocalises sont naturelles et fluides, parcours véloce dans un ambitus large, dont le médium est dense, affirmant l’autorité du personnage. Le souffle ne se relâche jamais.
Diego de Santis campe un Mario Cavaradossi virtuose, expressif, au timbre chaud et large. Le discours musical s’enchaîne avec aisance, fluidité et cohérence. Ce ténor à l’émission haut placée, à la voix projetée, touchante et naturelle, assure avec agilité et brillant son rôle d’amoureux inconditionnel au destin dramatique, exécuté par le peloton militaire. Les voix de Tosca et de Mario se mêlent de façon harmonieuse et équilibrée dans les duos d’amour passionnés.
Le rôle de Scarpia échoit au baryton Clorindo Manzato. De noir vêtu, appuyé sur une canne, ce redoutable baron affirme son autorité avec des graves appuyés et timbrés. Cependant, le médium voilé manque de puissance.
L'Angelotti de Juliusz Loranzi, prisonnier en haillons au destin tragique, chante avec une ligne nette et nuancée aux graves amples et souples.
Le sacristain (également Sciarrone - ange et démon en somme par la magie de l'optimisation d'une distribution) est campé par le baryton Luca Gallo, habile comédien, dont la ligne mélodique claire et expressive, au texte compréhensible, interprète avec efficacité les différentes facettes de ses personnages.
Spoletta, incarné par Stefano Consolini intervient d’une voix de ténor bien articulée, à la rythmique précise et au phrasé souple.
Le pâtre de Margherita Ferrarese, soprano à la voix claire aux couleurs acidulées, apporte un répit avant l’achèvement du drame.
Le public envoûté explose au moment des saluts, frappe des mains et des pieds, criant “bravo” pour acclamer les artistes. Après le drame, l’atmosphère redevient festive.
En bord de scène, un échange amical entre Jacques Bertrand (Fondateur du Festival, et qui rencontra la Callas par trois fois) avec Stefano Giaroli (qui s’exprime en français) évoque un long passé musical, dix-sept ans de collaboration et annonce l’esprit du Festival d’art lyrique 2024 : commémorer le centenaire de la mort de Giacomo Puccini.