Hommage aux 75 ans du Festival d'Aix-en-Provence par Betsy Jolas
En 1948, une toute jeune femme de 21 ans, Betsy Jolas, assistait -spectatrice- à la première édition du Festival d’Aix-en-Provence. Aujourd’hui, l'artiste franco-américaine y revient -en compositrice- pour la création européenne de sa dernière pièce pour orchestre symphonique et soprano, Ces belles années. Cette commande conjointe du LSO, du Festival d’Aix et du Cleveland Orchestra vient honorer une compositrice de 96 ans pour qui la création musicale revêt une importance capitale et dont l’inspiration semble ne devoir jamais se tarir. Créée en juin dernier au Barbican Centre de Londres, cette œuvre d’une durée de 15 minutes environ se veut en premier lieu comme un hommage à un Festival qui a accueilli à plusieurs reprises sa musique, notamment sous la baguette de son complice et ami, Sir Simon Rattle. Pour fêter ces 75 ans de musique, Betsy Jolas ne choisit pas de sombrer dans la nostalgie ou dans le passéisme. Bien au contraire, et le titre Ces belles années l'annonce et le confirme, elle livre une pièce à la fois souriante et sereine -comportant divers fragments habilement introduits de la mélodie "Joyeux anniversaire"-, que l’intervention en troisième partie de la soprano vient affirmer. Tout le début de la pièce évoque les propres souvenirs de Betsy Jolas au cours de ses nombreux séjours au Festival d’Aix, tandis que la partie pour soprano traduit le présent et l’avenir de la manifestation, tel un « Ange Messager » comme la compositrice l’évoque elle-même. La soliste invite donc clairement les gens de tous âges à y assister dans une sorte de sourire musical et vocalisant que la voix de soprano de Faustine de Monès, toute de fraîcheur et d’aisance, vient pleinement souligner. De belles envolées vers l’aigu, une légèreté expressive et une sorte de simplicité de la ligne de chant imprègnent sa prestation lumineuse. Un texte simple et direct, qui invite à la fête, finit par investir l’orchestre lui-même qui frappe des mains, ose le rire et les interpellations joyeuses. Betsy Jolas, présente dans la salle du Grand Théâtre de Provence, toujours forte et vaillante, reçoit une superbe ovation bien méritée de la part de l’ensemble du public.
Avec la 7ème Symphonie en mi mineur dite "Chant de la nuit" datant de 1905, c’est tout un autre monde qui s’offre à l’auditeur, dans une sorte de grande arche symétrique constituée de cinq mouvements très différents, mais qui s’imbriquent les uns aux autres. De la Marche d’ouverture en passant par un Scherzo aux accents diaboliques, aux pages illustrant la nuit ou la lumière, au Rondo triomphal, Mahler explore tous les domaines de la méditation et de la poésie. Les aspérités ne manquent pas tout comme la fantasmagorie et jusqu’au trivial même. Le contraste entre les deux œuvres programmées devient même divergence de visions avec le dernier mouvement ou Rondo-Finale de Mahler, très spectaculaire et triomphal mais aussi tragique en soit, causant comme une sorte de malaise auprès de l’auditoire tant il fait apparaître un avenir dénué de tout espoir, ce dans une apothéose où les cloches retentissent avec virulence.
Que ce soit dans la composition de Betsy Jolas ou cette large symphonie de Mahler toutefois, le London Symphony Orchestra sous la baguette de Sir Simon Rattle, rayonne de tous ses feux et fait preuve d’une maitrise de chaque instant. Sir Simon Rattle, qui cède la baguette du LSO à Antonio Pappano, pour rejoindre comme chef principal l’Orchestre symphonique de la Radiodiffusion bavaroise à Munich, dirigeait déjà en l’an 2000 au Festival d’Aix-en-Provence L'Affaire Makropoulos de Janacek. Il aura intensément marqué de son empreinte la phalange londonienne, ainsi que ce lieu aixois où il conduit cette année un mémorable Wozzeck.