Nuit coréenne au Festival Présences
« De l’orgue au théâtre de rue » : le nom du concert annonce d’emblée le programme de la soirée. La première partie est donc constituée d’un ensemble de pièces pour orgue, depuis le Prélude de Bach aux études pour orgue de Thomas Lacôte, en passant par le prélude Vision in Flames d’Akira Nishimura et One-Act Play – Dramatic Monologue de Dahae Boo, créé ce soir. Le public vide ensuite l’Auditorium pour se rendre au Studio 104 de Radio France écouter la deuxième partie du concert, consacrée donc au « théâtre de rue » et assister là à d’autres, nouvelles créations mondiales et française (Hallucination: We Danced Together de Soobin Lee, L’autre moitié de silence de Sun-Young Pahg, Territoires de Florent Caron Darras). Tout au cours du concert, (refermé comme il se doit par l'œuvre d'Unsuk Chin intitulée Gougalōn, scènes de théâtre de rue) le public manifeste un véritable engouement.
Le contraste des pièces au programmes est flagrant, mais, dans chaque style, les instrumentistes expriment la richesse de leurs instruments. L’organiste Dong-Ill-Shin offre une interprétation à la fois souple et nette, aisée et surtout, soignée, relevée et colorée. Il reprend ensuite avec une véritable énergie, engageant tout son corps afin d’affirmer l’expressivité de la musique. Yubeen Kim déploie d'un souffle long son jeu souple et volatile, soulignant la clarté de sonorité de la flûte traversière. Vêtu de l’habit traditionnel coréen, Hong Yoo manie le daegum (flûte traversière) avec fluidité dans le souffle, mais aussi tonicité et vigueur.
L’Ensemble Timf, dirigé par Soo-Yeoul Choi, anime les Scènes de théâtre de rue avec leur jeu bref et saccadé, des grésillements de pizzicati qui égrainent les notes et des glissandi acérés, rythmés par la prégnance des percussions (la plupart, des instruments coréens et plus généralement asiatiques, dont un large gong aux échos sourds et puissants). L'engagement des interprètes est sans faille, n’hésitant pas à "malmener" leurs instruments de toutes les façons possibles, le contrebassiste tapant particulièrement violemment sur les cordes du sien, et l’un des violoncellistes s’engageant si fort que les crins de son archet se défont à la fin du concert sur la force des glissandi.
La soprano Sumi Hwang déploie une voix au timbre sombre, mais chaud et enrobant, un chant particulièrement souple, adapté aux exigences du répertoire (Trois poèmes de Nelly Sachs d'Isang Yun), dont de longs decrescendi menant vers des glissements et même de violents jetés de notes à terre, suivis de rebondissements soudains vers les aigus, le tout dans un allemand d’une clarté modèle et sur une ligne vocale nette et aiguisée.
Le concert se clôt sur les applaudissements, eux aussi, particulièrement engagés, d’un public enthousiaste, alors qu’Unsuk Chin rejoint les musiciens sur scène pour saluer, elle aussi. Le Studio 104 se vide ensuite peu à peu et les auditeurs s’en retournent dans la nuit noire et froide de février, encore parcourus des résonances de ce voyage en Corée.