Calme 9ème de Beethoven à l’Auditorium de Radio France
Singulier préambule que celui offert ce soir à la Maison de la Radio, puisque les fragments du manuscrit de Beethoven conservé à la BNF y étaient présentés. L’occasion pour l’assistance de se remémorer le long processus de gestation de cette Symphonie, qui sera écrite 32 ans après la première idée de mettre en musique l’hymne de Schiller. L’accent est particulièrement mis sur la marche turque, très annotée dans le manuscrit original, ainsi que sur les liens avec les autres œuvres du compositeur ayant un finale choral -et particulièrement Fidelio. Finalement le conservateur de la BNF se permet même un clin d’œil à Kubrick et à la version de la 9ème au synthétiseur d’Orange Mécanique.
Une fois dans le grand Auditorium, dès les premières secondes, Philippe Herreweghe, familier des répertoires baroques, dévoile son style de direction. Celui-ci est assurément holistique (global, d'ensemble). Aucun départ n’est donné et il ne semble jamais se retourner vers aucun pupitre si ce n’est les premiers violons à quelques occasions et les seconds une unique fois lorsque les deux formations se répondent durant le 1er mouvement. Les changements de postures sont rares, et la gestuelle se veut aux antipodes du spectaculaire, tout en précision. Le résultat est indéchiffrable pour les non-initiés, mais l’Orchestre Philharmonique de Radio France, familier du chef en saisit toutes les nuances.
En conséquence, le résultat est techniquement remarqué et la phalange offre un résultat très net et précis, à l’exception de quelques très rares decrescendi. Les pupitres sont tous homogènes et la symbiose entre flûte et clarinette ressort plus qu’à l’accoutumée. Les attaques sont toutes précises et enlevées. Le second mouvement est remarqué de syncronisation et d’intelligence rythmique mais le troisième est joué très legato et sagement. De manière plus générale l’ensemble ne fait pas preuve de relief démesuré, particulièrement dans les premier et troisième mouvements.
Dans ses rapides incursions, le quatuor vocal donne une impression de se diviser en deux au niveau de la projection. D’un côté, la soprano Christina Landshamer met à profit son timbre lyrique, limite perçant ainsi que sa technique naturelle pour sertir une projection puissante de sa voix cuivrée, particulièrement dans les aigus. Cela tend à couvrir alors la voix de Wiebke Lehmkuhl, mezzo, rythmiquement bien en place, au timbre beaucoup plus rond et chaud, mais dont la projection quoi que bonne ne peut alors rivaliser.
De même, Thomas E. Bauer, déploie sa voix ronde au timbre légèrement voilé dans des vocalises précises avec une bonne projection, mais l’excès de caro, de chair vocale peut pénaliser ses harmoniques aigus. La rythmique est cependant toujours en place, de même que l’articulation et le placement des voyelles ainsi que la longueur de souffle qui ne lui fait pas défaut. Un antagonisme similaire apparait donc avec Werner Güra, ténor, qui bien que très à l’aise dans les parties vocalisantes de son rôle fait état d’une projection en deçà de celle de son compère. Quelques notes sont également attaquées par en dessous durant la marche turque.
Fort heureusement, la garde prétorienne constituée des Chœurs de Radio France, emmenés par Jose Antonio Sainz Alvaro, vient délivrer le coup de grâce et comble ces quelques carences au terme d’une prestation mémorable. Le résultat est précis, très en relief, tonitruant quand il le faut et toujours souple. Il est également équilibré, même si à de rares moments les ténors sont légèrement moins audibles que les autres, et de qualité constante tant dans les longs phrasés que dans les passages plus enlevés. Ils sont les plus applaudis par le public ce soir là.
Lorsqu’il reçut le manuscrit de ladite symphonie, Frédéric-Guillaume III offrit une bague en diamant à Beethoven, dont la pierre se révéla finalement être en verre. Ce dernier fut alors si furieux que ses amis durent conjuguer leurs efforts pour l’empêcher d’aller faire part de ses pensées au souverain à l’avarice légendaire. Peut-être fusse un énergique tumulte similaire qui fit défaut à la direction ce soir. Fort heureusement, avec un orchestre et un chœur pareil, rien ne demeure un problème bien longtemps.
On a tous besoin de beauté, de chaleur et de fraternité. Nous avons la solution : une Neuvième de Beethoven devenue le rendez-vous traditionnel du @ChoeurRF et du @PhilharRF pour ouvrir lannée nouvelle, cette année en compagnie de Philippe Herreweghe.https://t.co/a2Q2MFJ3Nj
— France Musique (@francemusique) 5 janvier 2023