Hommage à Louis XIV et à la Triple alliance aux Invalides
Formée par l’Angleterre, les Provinces-Unis et la Suède, la Triple alliance s’était formée pour défendre les pays du Nord des ambitions françaises mais c’est une concorde musicale à laquelle invite ce concert, soutenu par le Ministère de la Culture norvégien. La soirée réunit ainsi, en ce haut lieu de la Patrie française, des extraits d’œuvres de Purcell, Dietrich Buxtehude, ainsi que de compositeurs nordiques qui n’ont pas à rougir dans ce programme cohérent. Pour l’interpréter, le chef norvégien Martin Wåhlberg est venu en la Cathédrale Saint-Louis avec son Orkester Nord et l’ensemble Vox Nidrosiensis avec cinq solistes vocaux.
[Concert "Louis XIV, chef de guerre"] L'orchestre Orkester Nord @TBarokk nous fera le plaisir de nous faire découvrir les meilleurs compositeurs classiques du XVIIe siècle (Purcell, Buxtehude, Geist...) à l'occasion d'un concert le 15 février à 20h : https://t.co/lBANPgdP34 pic.twitter.com/7xdpn62HAF
— Saison musicale - Invalides (@InvalidesMusic) 8 février 2022
La soprano française Claire Lefilliâtre projette avec assurance sa voix ronde, offrant une interprétation souvent très claire des textes et des phrasés (et ce dès son intervention dans le Quis hostis in coelis de Christian Geist). Elle partage le duo Sound the Trumpet de Purcell avec la soprano néerlandaise Margreet Rietveld. Celle-ci se fait un peu moins présente mais touche par la sensibilité et la clarté de son timbre. Elle soigne particulièrement son texte qui, malgré quelques phrasés un peu écourtés en fin de ligne, évoque effectivement une lamentation dans le Dialogue entre l'Époux spirituel – le Christ – et l’Epouse – l’Eglise du poète Jacob Cats sur un air de Caccini (Amarilli mia bella).
Même sans comprendre le néerlandais, l’auditeur peut compter sur l’investissement et les talents du ténor belge-flamand Jan van Elsacker. Très à l’aise tant vocalement que physiquement, la limpidité de sa diction assouplie par un timbre généreux fait savourer cette langue aux sons parfois rugueux. Ne regardant sa partition que du coin de l’œil, le chanteur se fait conteur, n’hésitant pas à quitter son pupitre pour venir au-devant du public. L’auditoire aurait sans doute apprécié entendre davantage la mezzo-soprano française Anaïs Yvoz, dont la partie reste essentiellement un renfort en ensemble. Néanmoins, elle ne manque pas de proposer un timbre chaleureux dans les médiums et très velouté dans les graves, ainsi que des lignes soignées. Enfin, les interventions du baryton-basse norvégien Håvard Stensvold témoignent de son assise vocale, et d’une élégance, dans le maintien comme dans l’interprétation.
Les instrumentistes de l’Orkester Nord peinent à trouver l’équilibre avec les chanteurs en début de concert, d’autant que leurs sons se dispersent sous les voûtes de la Cathédrale. Bien que sensibles et délicats, les phrasés ne paraissent pas assurés, dans le jeu et la justesse. Cependant, l’ensemble s’appuie sur son agilité pour regagner en confiance à partir du milieu de programme, retrouvant une dynamique vivante, légère et équilibrée. La direction de Martin Wåhlberg se fait d’abord très droite et semble parfois manquer de réactivité malgré une attention indéniable, d’où quelques micro-décalages. Toutefois, les gestes s’assouplissent et s’arrondissent au fil de la soirée, notamment pour les ensembles vocaux qui, en osmose avec l’accompagnement orchestral, gagnent ainsi en prestance et en lumière.
Il faudra attendre le dernier salut pour que quelques spectateurs, imitant son Excellence l’Ambassadeur de Norvège en France, se lèvent pour applaudir les artistes et cette part de notre Histoire européenne, redécouverte avec les compositeurs baroques des pays du Nord.
Retrouvez notre Grand Dossier de Présentation de ce Cycle : “350 ans de l’apothéose musicale sous Louis XIV commémorée aux Invalides”