Alagna & Kurzak fêtent la Saint-Valentin à la Philharmonie de Paris
Le programme, mêlant répertoire italien et français, trouve sa cohérence dans la carrière des deux chanteurs, au croisement de certains de leurs grands rôles, cherchant surtout à rassembler autour d'airs et de duos célèbres, des "tubes" bienvenus en cette soirée de la Saint-Valentin, visant un public large et varié.
Lorsque le couple fait son entrée sur le plateau de la Grande salle Pierre Boulez, le public manifeste immédiatement une énergie qui ne le quittera pas, proportionnelle à un plaisir déjà complice, plein d’impatience. Fort de cet accueil, le couple lyrique entame sans plus attendre les premières mesures du duo d’amour de Madame Butterfly (Puccini). Toutefois, cette partition longue et ardue n’est visiblement pas la meilleure façon de se mettre en voix, en témoignent les difficultés audibles des deux interprètes. La voix de la soprano polonaise, immédiatement ronde et charnue, manque de précision dans son émission et le registre aigu s'en trouve amoindri avec des sons qui, quoique colorés, parviennent comme étouffés. De son côté, le ténor franco-sicilien semble vigilant, voire hésitant. Certaines notes sont prises trop bas, certains départs sont tardifs et la ligne met du temps à s’assouplir ce qui contraint le chef à ralentir les tempi de manière quasi mécanique.
Néanmoins, l’enthousiasme du public est au rendez-vous et c’est avec le deuxième duo (celui de Thaïs par Massenet) et, plus généralement, avec la deuxième partie de la soirée que les deux artistes, retrouvant leurs moyens, offrent des moments de grande complicité musicale et théâtrale.
Aleksandra Kurzak a pour elle une présence charismatique dont elle sait tirer une gestuelle harmonieuse et intelligente, habitant chaque air et chaque personnage avec une spontanéité qui ne vire jamais à l’outrance. Le timbre, chaleureux, se développe au fil de ses interventions, jusqu’à proposer des demi-teintes et des nuances d’une grande virtuosité ainsi qu'un médium argenté.
Roberto Alagna, égal à lui-même, dégage une bonhommie communicative qui sait, durant les airs et duos, se transformer au gré des personnages pour venir colorer les émotions avec justesse et à propos. Le chant devient vite brillant, ample et pointu, révélant une santé vocale intacte dans un médium ample et clair, malgré certains aigus un peu tendus.
L'Orchestre National de Belgique propose un son généreux et puissant, mais certains morceaux ne sont pas tout à fait en place, ce qui a pour conséquence de provoquer de courts décalages. Néanmoins, les instrumentistes parviennent sans peine à habiter les solos avec une expressivité immédiate et une réactivité manifeste et inventive.
Le chef espagnol David Giménez Carreras est très attentif aux chanteurs et soigne souvent leur entrée, parfois au sacrifice d’une dramaturgie générale qui, dans le format d'un concert, a toutefois moins d'importance. C’est cependant dans les intermèdes que ce manque de cohésion se fait le plus manifeste, notamment dans l’intermezzo de Manon Lescaut (Puccini) où le tempo, excessivement lent, rompt la mélodie, ne permettant pas l’acmé puccinien. La complicité avec les interprètes se fait néanmoins sentir dès le début de la soirée et participe grandement au plaisir du partage.
Les bis sont l’occasion de renouer une dernière fois, et encore plus directement, avec le public, toujours aussi réactif et accueillant, n’hésitant pas à chanter avec le couple les mesures languissantes du duo de La Veuve joyeuse à l'issue de cette heure exquise (et davantage).
Bravo @Alek_Kurzak and @roberto_alagna with #BelgianNationalOrchestra conducted by #DavidGiménezCarreras tonight at the @philharmonie de #Paris ! Merci ! @helene_mahln - 14 febr.2022#puccini #ponchielli #massenet #verdi #charpentier #friedrichvonflotow #mascagni #opera pic.twitter.com/01ru7a7kvu
— Helene M.A. (@helene_mahln) 14 février 2022