Coscoletto dans les Pouilles : un Offenbach triplement italien !
Coscoletto est une œuvre rare : la version allemande de l'ouvrage est quelquefois montée outre-Rhin. L'opéra de Barie en a proposé une version française il y a deux ans sur un livret reconstitué par Jean-Louis Guignon, avec un accompagnement au piano : le fait de ne pas disposer du livret original de Charles Nuitter et Étienne Tréfeu semble un obstacle pour les chefs et metteurs en scène.
La jeune équipe réunie par le festival fait preuve d'un abattage scénique nécessaire pour rendre la richesse de l'opus, sans jamais perdre de vue la musicalité, le raffinement, la légèreté indispensables à ce répertoire.
Kim-Lillian Strebel ayant dû renoncer à assurer le rôle-titre deux jours avant la première, le festival a fait appel à la jeune Michela Antenucci. N'ayant bien sûr pas eu le temps d'apprendre le rôle inédit ni la mise en scène, elle chante avec l'aide de la partition depuis la fosse d'orchestre, et c'est l'acteur Davide Gagliardini qui se charge de la prestation scénique, avec aisance.
Assistant metteur en scène du spectacle, il a su mémoriser aussi bien les gestes et déplacements du personnage que les paroles chantées, offrant un play-back très convaincant. Son Coscoletto est un adolescent attardé, mal coiffé, remonté comme un ressort, plein de vivacité et d'humour. Le fait de ne pas chanter lui permet de surcroît de se démener comme un beau diable sur scène jusque dans une tarentelle endiablée énergiquement enlevée.
Michela Antenucci prête à cette incarnation scénique une voix légère avec un timbre légèrement voilé qui lui confère une certaine mélancolie. La ligne de chant est constamment élégante (trop pour ce personnage de lazarronne, fripouille descendant directement de l'Arlequin de la Commedia dell'arte). La voix de Mariasole Mainini (Delfina), ronde, douce, sensuelle, se distingue de celle de Marta Pluda, conduite avec la même élégance mais un brin plus acidulée : le mariage de ces deux timbres confère au duo du premier acte (l'un des plus beaux écrits par Offenbach pour voix de femmes) une poésie ineffable, annoncée par la délicate introduction orchestrale, donnant à la page les couleurs nocturnes.
Patrizio La Placa est un Frangipani (avatar de Pantalone, le mari jaloux et trompé) certes jeune pour le rôle mais plein d'humour, à la voix claire et projetée efficacement. Le baryton Alfonso Zambuto incarne le fabricant de cordes Policarpo. L'air dans lequel, d'une voix claire et assurée, il pleure la mort de son chien Fiffi (empoisonné par le pharmacien Arsenico), qui rapportait si gentiment les bâtons et était capable d'imiter ténors et sopranos, est assurément l'un des grands moments comiques de la soirée. Enfin, Arsenico a les traits et la voix du ténor Nile Senatore, timbre clair et très léger mais pleinement audible, y compris dans les ensembles.
La mise en espace (avec costumes et un minimum d'accessoires) est claire et pleine de fantaisie, la présence d'un narrateur-personnage (Arturo Cirillo) assurant la lisibilité de l'action.
Le jeune chef Sesto Quatrini et l'Orchestre Petruzelli de Bari font leur le style offenbachien : légèreté et grâce mozartiennes, vivacité et précision rythmiques rossiniennes, poésie et humour confinant à l'absurde.
La représentation de cette œuvre parfaitement inconnue en Italie remporte un très grand succès, le public ne boudant pas son plaisir au cours du spectacle et allant même jusqu'à réclamer un bis à la fin de la représentation – qu'il aurait été plaisant de lui accorder.