Les Métaboles inaugurent leur résidence à Royaumont dans la nature des choses
Savamment construit (comme nous l'expliquait Léo Warynski quelques instants après ce concert, en interview), le programme reflète en effet les talents et l'identité des Métaboles (récemment salués par le 28ème Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral) : huit artistes vocaux (formation la plus concentrée de cet ensemble modulable) vantent les mérites de l'art, de la nature et du lien entre polyphonie Renaissance et création contemporaine. Le concert dans le Potager-Jardin montre ainsi la modernité du Chant des oiseaux de Clément Janequin (1485-1558), l'envoûtement des nomades Magic Songs de Raymond Murray Schafer (compositeur écologiste, théoricien et enseignant canadien, né en 1933) avant The Nature of Things, une création mondiale de Diana Soh (née à Singapour en 1984, et ayant composé cette œuvre à l'issue d'une résidence à Royaumont : un beau passage de relais donc avec Les Métaboles qui y entament la leur).
Après avoir laissé passer le bourdonnement de quelques avions, ce sont d'autres volatiles, autrement plus harmonieux et délicats qui chantent, trillent, quirittent, coucoulent, gazouillent, coqueriquent : les oiseaux harmonisés par Clément Janequin, interprétés par Les Métaboles en arc-de-cercle parmi la sauge officinale, citronnelle, topinambour, caféier et ail des ours, verveine, menthe-réglisse coréenne et amarante queue de renard.
Parfaite entrée en matière, la pièce de Janequin associe déjà deux qualités cardinales des œuvres suivantes : une interprétation précise et souple (à l'image de la direction du chef) et un effet de dissémination bruitiste doucement amplifiée par la vingtaine de haut-parleurs. Ceux-ci exprimeront leur plein potentiel en diffusant les retouches en temps réel sur la dernière pièce, avant cela ils soutiennent délicatement sans les trahir, les sons bouches fermées et aspirés des inuits mais également le cri du loup auxquels rend hommage Magic Songs de Raymond Murray Schafer.
Le chœur s'éclate alors au pourtour du jardin, entamant avec la création mondiale The Nature of Things de Diana Soh, un cheminement à travers la flore et les registres vocaux-électroniques (des sirènes jaillissant de scies musicales, un chuchotement devenant didgeridoo digital et les souples cantilènes composant progressivement des extraits du De Rerum Natura écrit par l’épicurien Titus Lucretius Carus).
D'une levée, Léo Warynski indique le moment venu de conclure ces lignes mêlées et le début de la décomposition des syllabes. En contrepoint, l'électronique prolonge, découpe et recoupe les diverses pièces du puzzle vocal, coalisant l'ensemble dans une mosaïque de ralentis et de marches arrière rondement chantées. Le jardin-potager devient un émincé de légumes électro-acoustique qui mijote ensuite en décoction de plantes.
Les Métaboles, Léo Warynski et Diana Soh, mais également Manuel Poletti (réalisation informatique musicale) et Sylvain Cadars (ingénierie sonore) viennent cueillir un frais bouquet d'applaudissements avant de laisser la place quelques heures plus tard à l'Éloge de la plante en ce même lieu.