Symphonie et chœurs duels à l’Arsenal de Metz
C’est le maestro qui a choisi le programme. Pour deux concerts successifs, le choix de Jacques Mercier s’est porté sur une commande de la Cité Musicale de Metz, dont l’Arsenal fait partie, et dont Zad Moultaka a été le résident pendant deux saisons.
Sa Sinfonietta IX, création pour mezzo-soprano, chœur et orchestre, retravaille la ligne mélodique de la Neuvième symphonie de Beethoven. Zad Moultaka redéfinit le message de l’œuvre, et « Alle Menschen werden Bruder » (tous les hommes deviennent frères) se transforme en une fascinante évocation quasi-oppressante de la puissance musicale, puissance des gestes et puissance des voix.
La grosse caisse seule rythme les premières mesures martiales, suivie des trombones et de l’ajout progressif des cuivres et des vents. Les cordes prennent ensuite la coloration caractéristique d’une symphonie. De plus en plus angoissants, certains passages ponctués de pizzicati rappellent la patte de Bernard Herrmann. La ligne mélodique de l’Hymne à la joie est détournée par les cordes, quelques tons plus bas, avant une montée d’orchestre qui introduit le chœur, composé du Chœur national de Corée, préparé par Eui-Joong Yoon, et de l’Andong Civic Chorale préparé par Sang-Yun Choi.
Les premiers vers de Schiller retentissent, cette fois angoissants, agrémentés du tintement de cloches tubulaires. À l’impression d’angoisse se mêle un formidable effet de puissance, tant la projection du chœur est impressionnante. La langue allemande ne pose pas de problème de diction, ni dans les passages les plus rythmiquement saccadés, ni dans les passages ralentis. Les pieds des chanteurs sont aussi des instruments, martelant le sol comme une armée au pas. Les basses sourdent, avant de lancer un puissant contrepoint repris par des timbres de sopranos chaleureux malgré la tonalité tendue de l’œuvre.
La mezzo-soprano Julie Robard-Gendre, assise parmi le chœur, se lève et débute par des graves solennels à l’impeccable diction. Presque a cappella car seule la grosse caisse l’accompagne, elle évolue dans la partition sans difficulté, ses aigus purs, achevés par des trilles délicats, gardant la même force de projection que les graves. C’est un tonnerre d’applaudissements qui suit la fin de l’œuvre, renforcé à l’arrivée de Zad Moultaka sur scène.
La Neuvième Symphonie, dirigée de main, forcément de maître, est somptueuse dans les mouvements précédant l’Hymne à la joie. La soprano Raquel Camarinha, Julie Robard-Gendre, le ténor Thomas Bettinger et la basse Sungkon Kim se placent alors parmi le chœur.
Sungkon Kim, dont la diction allemande est fluide, place de beaux mélismes sur une voix puissante. Raquel Camarinha, dont la projection est excellente, pâtit d’une diction incertaine et d’aigus stridents qui couvrent l’orchestre, à l’inverse de Thomas Bettinger, légèrement couvert avant de gagner en amplitude. Julie Robard-Gendre maintient la même technicité qu’auparavant. Le chœur, toujours constant dans l’excellence, fascine toujours le public.
Jacques Mercier ne dirige pas que l’orchestre, mais aussi le public, qui se lève dès que le chef prend la parole ! Rappelant que l’Europe est « un espace merveilleux de paix, de tolérance, de liberté et de culture » valeurs menacées dans l’actualité quotidienne, il propose l’hymne européen en rappel, tout le public restant debout pour l’écouter.
Après une ovation unanime, il cède la place à Eui-Joong Yoon pour diriger l’Orchestre National de Lorraine (prochainement rebaptisé Orchestre National de Metz, avec David Reiland comme nouveau chef) pour Arirang, chant traditionnel coréen mondialement connu. Le chœur subjugue à nouveau, avant les ultimes acclamations offertes à l’ensemble du plateau vocal.