L’Opéra imaginaire au Festival Radio France : prima la musica
Pour sa troisième et dernière soirée lyrique, le Festival Radio France Occitanie Montpellier présente un Opéra Imaginaire
Hervé Niquet - L'Opéra imaginaire (© Luc Jennepin)
Pourtant, quelques failles enrayent cette belle machine, à commencer par la vidéo projetée en fond de scène : celle-ci montre une version 3D de Versailles avant de basculer dans un univers onirique dans lequel les forces du mal détruisent une sorte de paradis céleste. En perpétuel mouvement, la vidéo attire irrémédiablement l’œil du spectateur et capte une partie de son attention. Pour autant, cette vidéo n’apporte pas grand-chose : trop descriptive pour être poétique, elle est trop onirique et déshumanisée pour aider à la compréhension de l’intrigue. L’attention du spectateur est donc détournée de l’essentiel par de l’accessoire.
Katherine Watson, Karine Deshayes et Le Concert Spirituel - L'Opéra imaginaire (© Luc Jennepin)
L’essentiel, dans la reconstitution d’un opéra baroque français, est le texte et l’intrigue. Or, cet aspect n’est nullement mis en valeur dans le spectacle : l’absence quasiment totale de récitatifs, pourtant pilier principal des opéras baroques français, nuit au déroulement de l’action. Les interventions vocales solistes, très courtes au premier acte, ne laissent pas le temps aux chanteurs de déployer la moindre tension dramatique. Ce problème se résout toutefois dans la seconde partie, lorsque les airs s’enchaînent, offrant aux solistes le temps d’égrainer leur propos. Enfin, le choix de ne pas afficher de sur-titrage pour cette œuvre inconnue car inédite, n’aide pas non plus le spectateur, qui doit dès lors oublier la dramaturgie (et retomber dans un classique récital, passant dès lors à côté de l’originalité de cette proposition artistique), ou bien investir ce qui reste de son attention dans la compréhension du texte et le suivi de l’intrigue.
Mais alors, le spectateur qui choisirait cette seconde option passerait à côté de la plus grande réussite de la soirée : la musique ! Emmené par Hervé Niquet, le Concert Spirituel fête ses trente ans sans avoir rien perdu de son souffle et de son allant. Comme à son habitude, le chef bat la mesure d’un mouvement ample, déployant largement ses bras et tournant autour de son pupitre pour haranguer ses musiciens. De fait, l’ensemble suit le rythme effréné de cette partition composite avec vigueur et vivacité, affichant toutefois peu de réels piani. Le Chœur, parfaitement en place, offre de puissants tutti. Le pupitre de sopranes emporte le spectateur dans ses vocalises admirables.
Hervé Niquet et Karine Deshayes - L'Opéra imaginaire (© Luc Jennepin)
Les trois voix convoquées pour cette soirée sont à la hauteur des attentes. Karine Deshayes offre sa voix chaude et généreuse, puissante dans les aigus, crépusculaire et moirée dans le médium mais moins assurée dans les graves, pour une interprétation sensible. Son timbre est aussi coloré que sa robe fuchsia. Elle joue en permanence entre une voix droite et un vibrato rapide se déployant en ornementations, dans une large palette de nuances. Sa prosodie, plus belcantiste que baroque, met en valeur les mélodies au détriment du texte, qui n’en demeure pas moins tout à fait compréhensible.
Reinoud van Mechelen et Hervé Niquet - L'Opéra imaginaire (© Luc Jennepin)
Reinoud van Mechelen interprète la partie ténor de sa voix claire et bien projetée dont la couverture apporte un lustrage délicat. Ses graves sont ronds et assurés et ses aigus ont la facilité et l’évidence du haute-contre. Nuancé, il offre un piano magnifique qui résonne encore dans les oreilles du mélomane à l’issue du concert. Sa diction est sans reproche : ce ténor s’impose clairement comme l’un des plus grands spécialistes de ce répertoire.
Katherine Watson et Hervé Niquet - L'Opéra imaginaire (© Luc Jennepin)
Enfin, Katherine Watson est la Princesse, dont la voix pure et éthérée voltige dans des vocalises aériennes. Son chant est léger sans jamais se laisser surpasser par l’orchestre. Ses duos, tant avec la Magicienne qu’avec le Prince, sont somptueux, sa voix s’accordant parfaitement à celles de ses complices. Cet Opéra imaginaire
Hervé Niquet - L'Opéra imaginaire (© Luc Jennepin)