France Télévisions (re)lance Culturebox : un demi-verre d'eau dans l'océan de la TNT
"CultureBox" était le nom donné au site web regroupant les captations culturelles de France Télévisions. Une initiative bien repérée des professionnels et du grand public, mais qui a été dissoute sans vraiment l'être dans le grand portail france.tv (dans un contexte de réforme globale de l'audiovisuel public retardée par la crise et qui reste encore incertaine).
CultureBox revient donc mais dans une forme tout à fait différente (quoique pas suffisamment) : une chaîne de télévision éphémère (sur la TNT) qui diffusera du spectacle vivant de février jusqu'à la réouverture de tous les lieux de culture.
Aux programmes :
- chaque soir, des spectacles vivants avec la promesse d’une mise en avant de tous les arts
- un rendez-vous quotidien avec des invités du monde de la culture en plateau
- la rediffusion des programmes culturels d’hier et d’aujourd’hui produits par France Télévisions
Verre à moitié vidé ou à moitié plein ?
Au moins, le verre se remplit, même si tout le monde ne pourra pas trinquer. Dédier une nouvelle chaîne au spectacle vivant est un signal important et même capital aussi bien pour les spectateurs privés de culture vivante que pour les artistes privés de tout moyen d'expression et de sources de revenus. Restera à voir le détail de la programmation de cette chaîne, nous en rendrons bien entendu compte très précisément sur Ôlyrix. L'intérêt de ce canal dédié est aussi de s'assurer qu'il diffuse des spectacles à d'autres horaires que ce qui est la norme sur France 3 (où les opéras et les ballets commencent après minuit).
De surcroît, pourquoi ne pas continuer à remplir le verre après la crise sanitaire et culturelle ? Cette chaîne doit s'arrêter à la "réouverture de tous les lieux de culture", une formulation qui laisse certes à penser que la chaîne durera hélas bien longtemps (d'autant que "tous les lieux de culture" ne rouvriront pas), mais qui ferait bien de préciser s'il s'agit d'une réouverture pleine et entière (avec saisons complètes et à pleine jauge). Et quand bien même, ce projet s'il est si bon, devrait avoir vocation à demeurer au-delà de la crise (si tant est que celle-ci offre des enseignements).
En tout cas, le verre n'est rempli qu'à moitié. France Télévisions et le Gouvernement se félicitent régulièrement du nombre d'heures de programmes culturels diffusés, mais sans prendre en compte un paramètre essentiel : leur accessibilité concrète. En effet, force est de constater que cette nouvelle initiative CultureBox, continue à "cornériser" (enfermer dans un créneau) la proposition culturelle audiovisuelle autant qu'elle l'élargit, car une fois encore le spectacle vivant est relégué (à la TNT). Une véritable politique de démocratisation culturelle consisterait à proposer des spectacles vivants en intégralité à des heures de grande écoute sur les grandes chaînes nationales que sont France 2 et France 3, or ce sont justement ces diffusions qui ont disparu ces dernières années et qui ne sont nullement revenues en ces temps de crise.
Le dernier rapport publié par le CSA en 2018 rappelle d'ailleurs que si 94% des foyers disposent d'un téléviseur, la TNT qui certes "constitue l’unique mode de réception pour près d’un quart d’entre eux" est en fait "utilisée par plus de la moitié des foyers dans les deux tiers des régions" engendrant ces fameuses et terribles "zones blanches" à la fois en termes de couverture numérique et culturelle. Là encore le problème fondamental de la stratégie culturelle audiovisuelle du Gouvernement tient en ce qu'elle donne un accès à celles et ceux qui avaient déjà accès à la culture : proposant du spectacle vivant presque uniquement aux spectateurs habituels qui vont venir d'eux-mêmes chercher cette offre sur la TNT ou sur internet. L'audiovisuel public pourrait, à l'inverse, apporter le spectacle vivant sur son plus grand et large canal de diffusion : cela rappellerait que l'objectif du service public (et de la redevance afférente) n'est pas une course à l'audience. D'autant plus que les rares émissions artistiques font de bons résultats quantitatifs et qualitatifs.
Cela permettrait à la culture de ne pas se diluer, de ne pas se noyer dans un demi-verre d'eau numérique.
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