La Walkyrie sera finalement jouée le 10 mai… en motion capture !
On n’y croyait déjà plus… La nouvelle production du Ring de Wagner par Calixto Bieito devait être le grand événement de la saison 2019-2020 à Paris, avec un casting prestigieux. Hélas, le coronavirus est venu balayer de très nombreuses représentations, dont celles de L’Or du Rhin, premier volet de la tétralogie programmé du 2 au 15 avril 2020. Le public parisien était donc plus qu’inquiet pour le second volet, La Walkyrie, le confinement se poursuivant et une telle production exigeant de nombreuses et longues répétitions auxquelles les artistes, enfermés chez eux, n’auraient pas pu participer.
L’idée est venue du cinéma où la technologie de la motion capture permet à des acteurs d’incarner de manière crédible des personnages digitalisés : l’on pense par exemple aux Na’vi d’Avatar, au Gollum du Seigneur des Anneaux ou à King Kong. Un jeu d’enfants, en comparaison, pour donner vie aux personnages wagnériens de Siegmund, Brünnhilde et Wotan !
Le principe de cette représentation historique du 10 mai sera simple : chacun des artistes impliqués dans la production de La Walkyrie, portera une combinaison équipée de capteurs de mouvement. Dans la sûreté de leur salon, ils se mouvront conformément aux indications de mise en scène de Calixto Bieito, mouvements qui seront retranscrits virtuellement à l’écran pour un effet plus vrai que nature. Un casque de réalité virtuelle leur permettra de voir la mise en scène en même temps que le public, et d’adapter leur jeu aux mouvements en temps réel de leurs partenaires. Les chanteurs porteront également un micro qui n’amplifiera pas la voix mais permettra de la restituer au public avec autant d’aplomb que dans une salle d’opéra.
Face à ce défi technologique à relever dans un laps de temps très court, Calixto Bieito fait preuve d’enthousiasme : « Au fond, ce n’est qu’une prolongation à l’extrême de toutes ces mises en scène à base d’écrans verts qu’on voit fleurir un peu partout récemment, par exemple chez Ivo van Hove pour ne pas le citer. Mon seul regret c’est de ne pas avoir bâti le spectacle comme ça dès le début. Cette motion capture donne énormément de liberté au metteur en scène. On est aussi très libre sur les effets spéciaux. On pourra voir voler les Walkyries ou changer les costumes et les maquillages entre chaque scène. Un très beau défi ! »
Confiné, l’orchestre national de France joue le "Boléro" de Ravel
L’Orchestre de l’Opéra National de Paris dirigé par Philippe Jordan ne sera pas en reste : chaque musicien jouera de chez lui, dirigé par le maestro dans une sorte de vidéo-conférence géante. Seules les percussions feront l’objet d’un enregistrement préalable, pour des raisons évidentes de voisinage. Quelques décalages étant à craindre en cas de lenteur de la connexion Internet, la justesse de certains pupitres sera rétablie en direct via le logiciel Autotune.
L'air de la folie de Lucia di Lammermoor (Donizetti) interprété dans Le Cinquième Élément de Luc Besson recourt à l'autotune
Le public lui, pourra assister au spectacle en streaming haute définition depuis le site de l’Opéra, au tarif unique avantageux de 280 euros. Les spectateurs déjà détenteurs de billets pour des catégories inférieures auront également la chance de profiter du spectacle, au pro-rata du prix payé pour leur place : ainsi, pour une place de 40 euros en catégorie 9, la possibilité d’admirer la mise en scène de Calixto Bieito pendant 42 minutes, entractes compris.
« C’est un dispositif coûteux et innovant, on ne pouvait pas le déployer pour tous les spectacles, explique Stéphane Lissner, patron de la maison parisienne. Il fallait sauver une représentation emblématique et cette Walkyrie, attendue par tous, s’y prêtait. Nous avons longtemps hésité avec la reprise de La Bohême « dans l’espace » de Claus Guth, mais nous ne voulions pas que certains français viennent huer à leurs fenêtres, ce n’est pas bon pour le moral du pays en ce moment. »
La nouvelle tombe à pic pour Jonas Kaufmann, très affecté par le confinement dans sa villa bavaroise. « La scène me manquait terriblement. Nous allons rentrer dans l’histoire de l’opéra avec ce direct en motion capture et cela va, j’en suis sûr, rester un moment inoubliable dans ma carrière. Tous les jours finissaient par se ressembler : un tennis avec mes enfants, un peu de natation, une partie de pêche au bord du lac… Un lac dans lequel on pêche des poissons très particuliers en ce 1er avril" nous rappelle Jonas Kaufmann...