Bilan 2016 difficile pour l'Opéra de Paris
Rigoletto mis en scène par Claus Guth à l'Opéra Bastille jusqu'au 30 mai © Monika Ritterhaus / ONP
Ce qui devait arriver arriva. Après neuf spectacles annulés cette saison en raison du mouvement de grève national, dont la première de Madame Butterfly, celle de Platée, ainsi qu'une première de Iolanta donnée en version de concert sans Casse-Noisette, le bilan est lourd pour l'Opéra national de Paris. Autant pour ses caisses que pour son image. Depuis le début de saison, rien qu'en billetterie, le montant de la perte s'élève à 1,4 million d'euros. A cela, il faut ajouter les répercussions sur les ressources propres de l'institution, le mécénat ainsi que tous les frais de personnel et de production.
Le résultat 2016 enregistré par l'Opéra de Paris serait ainsi dégradé de près de 2 millions d'euros. Un manque impossible à rattraper, selon Stéphane Lissner. « Les grèves ont aussi un impact sur les spectacles en cours pour lesquels le public hésite à acheter des billets », souligne-t-il avant d'ajouter qu'elles auraient aussi des « conséquences sur la saison prochaine ». En pleine période d'abonnement, beaucoup hésiteraient à se réabonner.
Autre conséquence, la capacité d'investissement de l'Opéra national de Paris devra être revue à la baisse. « De nombreux projets touchant la modernisation de nos théâtres et l’amélioration de la sécurité pourraient être rendus impossibles », indique ainsi Stéphane Lissner. Après Lear et La Traviata donnés en alternance, la saison opératique de l'Opéra de Paris se clôturera avec l'Aïda d'Olivier Py, créé in loco en 2013.
Lettre du Directeur général aux collaborateurs de l’Opéra de Paris.
Madame, Monsieur,
En cette fin mai 2016, je crois utile de vous apporter quelques informations sur la situation de notre établissement.
A ce jour, 7 spectacles ont été annulés depuis le début de l’année 2016 du fait de mouvements sociaux dirigés contre le projet de loi travail, soit le nombre le plus élevé depuis plusieurs années et l’Opéra se distingue par rapport aux autres grands établissements publics culturels du pays. La première de Iolanta a été donnée en version de concert, sans Casse-Noisette, et l’avant-première pour les jeunes de Rigoletto a été annulée. Les pertes de billetterie dues aux grèves s’élèvent désormais à environ 1,4 M€, auxquelles il faut ajouter un impact sur les autres ressources propres de l’établissement (bars, programmes, boutiques…), dont le mécénat. D’ores et déjà, notre résultat 2016 est dégradé d’environ 2 M€ et il sera impossible de rattraper cet impact budgétaire.
Les courriers de spectateurs mécontents arrivent de plus en nombreux à l’Opéra. Les grèves ont aussi un impact sur les spectacles en cours pour lesquels le public hésite à acheter des billets ; elles ont des conséquences sur la saison prochaine alors que nous sommes en pleine campagne d’abonnement : de très nombreux spectateurs indiquent ne pas vouloir se réabonner, du fait de la multiplication des grèves depuis quelques mois.
Je suis aussi déçu et préoccupé de voir la préparation de certains spectacles (Der Rosenkavalier, Lear, La Traviata) mise en danger. Lorsqu’une pré-générale est annulée, ou lorsque, en particulier pour des œuvres complexes, le délai entre deux représentations peut devenir très long du fait de l’annulation d’une soirée, les mouvements sociaux ont un impact très négatif sur les artistes et sur tous ceux qui rendent nos spectacles possibles. Je m’interroge aussi sur la sécurité, lorsque les équipes ne disposent pas de tout le temps de préparation nécessaire.
Enfin, je me dois de vous dire que la fragilisation de l’équilibre économique de notre établissement en 2016 aura des conséquences sur notre capacité à investir au cours des prochaines années. De nombreux projets touchant la modernisation de nos théâtres et l’amélioration de la sécurité pourraient être rendus impossibles.
Pour tous ces motifs, la relation de l’établissement avec les ministères de tutelles est rendue plus complexe par la situation actuelle. C’est d’autant plus regrettable que la qualité de nos spectacles depuis le début de la saison a été unanimement saluée.
Je sais que de nombreux salariés de l’Opéra continuent à s’engager sans compter pour l’Opéra Je veux les en remercier ici très chaleureusement.
Le droit de grève est un droit constitutionnel. C’est aussi pour cela que la direction a toujours maintenu le dialogue avec les organisations syndicales et qu’elle est prête à rechercher d’autres modes d’expression des salariés que la fermeture du théâtre.
Je vous prie de croire, Madame, Monsieur, en l’expression de mes meilleurs sentiments.
Stéphane LISSNER