Le jeune chœur de paris : deux décennies à concilier les voies des voix
Une nouvelle voie
Le jeune chœur de paris & Département Supérieur pour Jeunes Chanteurs est né d’un double constat, d’un double manque et d’une double (di)vision : les formations musicales en France avaient trop tendance en effet à séparer (voire à opposer) la formation individuelle de la voix et la pratique du chant choral (par peur que le chœur n'abîme les voix, et en pensant que la carrière lyrique était plus accomplie en tant que soliste). L’autre division -toujours trop présente d’ailleurs- est celle entre la formation des voix d’enfants au sein des maîtrises, puis celle des voix déjà bien installées [ndlr : comme le chœur accentus, le jeune chœur de paris a choisi de s'écrire en minuscules].
De ce constat est partie cette nouvelle aventure, comme nous le relate Laurence Equilbey : « Ma motivation est notamment venue, il y a vingt ans, du fait que la filière vocale en France atteignait alors un très bon niveau avec d’excellentes maîtrises et formations pour les enfants qui éclosaient et retrouvaient leur meilleur niveau. Idem pour les phalanges chorales professionnelles et pour les formations de chanteurs lyriques. Or, pour être admis au Conservatoire National et même dans les conservatoires d'arrondissements il fallait déjà un haut niveau et une grande maturité vocale. Il restait donc vraiment un chaînon manquant à constituer et à inscrire dans le cadre d’un cursus : celui d’une formation pour jeunes chanteurs au sein duquel il y aurait également un chœur pour jeunes (pré-adultes et adultes jusqu’à 25 ans).
Tout a ainsi commencé en 1995 avec un petit centre pédagogique pour jeunes chanteurs entre 16 et 25 ans : une petite unité que j'ai construite au Conservatoire du XVIe arrondissement. Nous proposions déjà aux membres du jeune chœur de paris une formation avec des enseignements complémentaires (croisant formation vocale, musicale et stylistique). J'avais bien entendu le souhait d'agrandir cette formation, en proposant de nombreux autres enseignements. Nous avons trouvé les heures nécessaires avec la Ville de Paris mais il fallait s'implanter dans plusieurs sites de l'arrondissement. Le regretté Jacques Taddei s'est alors intéressé à ce projet, lui a apporté un soutien décisif, l'a accueilli en 2000 au Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris (qu'il a dirigé entre 1987 et 2004). Nous avons pu ainsi y développer le cursus jusqu'à atteindre son format actuel : 30 professeurs de 15 disciplines pour 50 étudiants au sein d'un Département Supérieur pour Jeunes Chanteurs, dont tous les étudiants sont membres du jeune chœur de paris. La formation est complète et unie. Elle dure entre trois et cinq ans. Les directeurs Xavier Delette et maintenant Benoît Girault ont continué à soutenir ardemment cette formation pilote en Europe.
Il a bien sûr fallu quelques années pour déménager, pour installer ce Département, et pour qu'il prenne son essor (raison pour laquelle nous venons de fêter officiellement nos 20 ans, ceci plus les délais à cause du Covid pour organiser la fête). »
Retrouvez également notre compte-rendu du Concert des 20 ans à l’Auditorium du CRR de Paris
Florence Guignolet, co-directrice pédagogique qui a rejoint l’aventure en 2001 dans le temps d’établissement de cette formation, nous raconte justement les premières années d'élaboration de cette “machinerie” artistico-pédagogique : « Petit à petit, nous avons fait notre nid au CRR de Paris, en transformant à la fois le chœur et la formation. L’union des deux permet justement de former des chanteurs qui savent chanter en polyphonie et suivent un cursus solistique.
Nous partons toujours de l’idée et de l’impulsion de Laurence : en partant du chœur et d’un intérêt pour le chant en polyphonie. Ainsi, le recrutement au Département s’opère selon les besoins du jeune chœur de paris. La formation réunie constitue… le tutti du jeune chœur de paris ! Partant de là, nous avons ainsi étoffé, nourri, enrichi la formation avec ses différentes disciplines vocales, musicales, culturelles. Étant moi-même professeur de chant, venant du monde du théâtre et ayant été formée aux États-Unis, j’ai aussi milité pour l’apport de l’art dramatique et de la danse dans la formation. D'autant que ce sont des Départements présents au CRR de Paris et avec lesquels nous pouvons donc collaborer : nous y sommes très bien implantés et nous y travaillons de manière transversale. C’est notre credo : nourrir ces jeunes le plus tôt et le mieux possible, pour qu’ils aient des bases et de l’avance pour toute leur vie d’artiste. »
Effectivement, la formation est des plus complètes, proposant ainsi : “chant, étude des styles, des cycles et des rôles, ensemble vocal à un par voix, écritures contemporaines et improvisation, chœur, diction lyrique, théâtre, danse, analyse, esthétique et histoire des arts”.
« Le jeune chœur de paris, poursuit Laurence Equilbey, a ainsi toujours été inscrit au sein d'une structure pédagogique de haut niveau, pour mener vers la carrière (de solistes comme de chanteurs d'ensemble). Nous formons ainsi des solistes qui aiment le chœur, et réciproquement. C'est avant tout une école pour accompagner les jeunes chanteurs dans la pleine exploration de leur voix et de leur écoute.
C’est un cursus riche et intense et c'est aussi la raison pour laquelle nous sommes très prudents dans la programmation pédagogique et artistique : pour qu'ils aient le temps de suivre pleinement leur parcours et leurs projets afin qu’ils leur soient profitables. »
Voie d'accès
Cette richesse et complémentarité qui définit tout le cursus guide aussi logiquement la manière dont les jeunes artistes y sont recrutés et accompagnés dans leurs débuts : « La sélection s'effectue sur le plan vocal et technique ainsi qu’à l'issue d'un entretien permettant de jauger les ressorts profonds de leurs motivations : en particulier leur envie de travailler conjointement leur voix et le chœur » confirme Laurence Equilbey. « Nous ne choisissons pas que de jolies voix, mais de belles voix qui vont s'intégrer au chœur », renchérit Marc Korovitch (chef de ce chœur associé, avec Richard Wilberforce). Le recrutement guide ainsi déjà l’intégration et l'esprit de ce parcours artistique, comme le présente également Florence Guignolet : « Le recrutement se fait dans un esprit ouvert et transversal. Les jurys réunissent professeurs et chefs de chœur, pour recruter des artistes de 15 ans à 22 ans.
Nous attendons bien entendu des candidats qu'ils aient travaillé leur voix, mais nous sommes extrêmement attentifs et intéressés par la personnalité que promet de déployer chaque jeune chanteur dans le cursus. Nous voulons qu'ils proposent quelque chose même si c'est encore maladroit ou en potentiel : qu'ils osent proposer, montrer qui ils sont. Cela fonctionne car nous réunissons ainsi des jeunes artistes aux fortes personnalités, parfois ce sont des paris sur l'avenir… et puis le collectif prend le dessus pour l'unité. D’autant que pour les accompagner, les nouveaux sont parrainés par des anciens, il y a des délégués pour faire le lien. Et le début de l'année commence toujours par une première session de chœur d'une semaine, pour se retrouver et se connaître, en (re)faisant aussi le son du chœur. »
Voie saine
Une exigeante prudence, une ambition raisonnée guide ainsi le parcours commun de ces jeunes voix. Une réponse à toutes les réticences et oppositions qui peuvent parfois subsister ailleurs entre formation lyrique individuelle et pratique du chant choral. Laurence Equilbey, en tant que cheffe de chœur et ancienne chanteuse voit et dit très clairement les choses : « En effet, le chœur peut être dangereux pour les voix… si on fait n’importe quoi ! C’est justement la raison pour laquelle nous sommes extrêmement attentifs dans la formation : au choix des répertoires, au rythme de travail, à l’écoute de la voix de chacun. La force d’un tel Chœur et Département c’est qu’il permet aux chefs de chœur d’être en lien direct avec les professeurs de chant. Les professeurs sont alors eux-mêmes tout à fait séduits et enthousiastes par le travail choral. » Un engagement et une vigilance que confirme Florence Guignolet, co-directrice pédagogique et professeure de chant : « un bon chef de chœur ne va pas fatiguer les voix, et ils prennent particulièrement soin de nos jeunes voix. Nous sommes particulièrement fiers de veiller (et d’y parvenir) à ce que les élèves ne se fatiguent jamais au jeune chœur de paris. Celles et ceux qui ont l’objectif de devenir solistes poursuivent cet objectif, avec le chœur, ils s’y épanouissent également (et c’est une grande richesse de leur formation, qui leur ouvre bien des portes). »
Des portes dans lesquelles s’engouffre le chef de chœur Marc Korovitch avec enthousiasme, d’autant qu’elles ont ainsi été ouvertes de manière pérenne pour ce jeune chœur mais aussi pour le reste de la communauté artistique : « Être formé, à cet âge, à être aussi bon soliste que chanteur de chœur, c'est un apport et une force absolument essentielle pour cette formation et ces artistes.
Et cela a beaucoup contribué au changement de mentalité en France. Entre chant solo et chant choral, c'était un peu compliqué pendant un certain nombre d'années mais lorsqu'un tiers des chanteurs admis au CNSM viennent d'un choeur, et notamment du DSJC/jeune chœur de paris, alors cela change les mentalités et le système de l'intérieur (d'autant qu'ils continuent ensuite à faire du chœur par goût et par passion : c'est une belle victoire).
Le CNSM de Paris nous a même déjà conviés avec d’autres chefs de chœur pour auditionner leurs chanteurs en Master, afin de leur faire un retour et de les recruter dans nos chœurs : c'est dire combien les mentalités ont changé. »
Voies : Directions
La particularité de ce cursus est ainsi dans sa double formation : vocale et chorale. Et comme la dualité complémentaire est une richesse, elle se retrouve aussi à l'équipe de Direction. Laurence Equilbey est ainsi Directrice artistique et pédagogique avec Florence Guignolet en co-directrice pédagogique. Et ce jeune chœur conserve également une double direction avec deux chefs de chœur : ce furent d’abord Laurence Equilbey & Geoffroy Jourdain, puis Olivier Bardot & Henri Chalet et désormais Richard Wilberforce & Marc Korovitch. Ce dernier nous retrace la richesse de son propre parcours avec ce Chœur et Département : « Avant d'y être nommé chef, lorsque j'étais étudiant, je connaissais déjà bien ce jeune chœur dans lequel chantaient des amis. Je m'en suis d'autant plus rapproché que j'ai été nommé au CRR de Paris comme professeur de direction de chœur (un an avant de prendre la co-direction de ce jeune chœur).
C'est l'une des plus belles phalanges chorales de France, et je pèse mes mots. Les chanteurs sont excellemment formés : c’est une jeunesse passionnée et talentueuse (et le mélange des deux est assez extraordinaire). »
En deux décennies, ce chœur s'est ainsi imposé dans le paysage musical mais aussi pédagogique. Il a su affirmer sa direction et même ses directions comme le revendique Laurence Equilbey : « Je crois beaucoup aux binômes de directions (c’est d’ailleurs un nouveau binôme qui succèdera l’année prochaine aux deux chefs actuels). Ces binômes permettent d’avoir une richesse complémentaire dans le travail : dans l’écoute, dans la construction du son de chœur (c’est un son qui se travaille tout au long de l’année et qu’il faut reconstruire à chaque nouvelle promotion), dans les choix complémentaires de répertoires, dans les apports techniques cohérents. »
Marc Korovitch confirme et signe en soulignant lui aussi la richesse que ce fonctionnement permet et encourage : « Nous choisissons tous ensemble un répertoire qui est un défi mais pleinement maîtrisé, et qui apporte aussi quelque chose de différent au monde musical. Pour ces deux raisons, leur répertoire n'est pas le même que celui des grands chœurs établis.
Cela permet au jeune chœur de trouver sa place dans le paysage choral et cela tient aussi à son identité. Nous sommes un chœur français, qui défend donc ce répertoire et ses influences, en puisant également dans les plus grandes traditions chorales : le répertoire anglais bien entendu avec Richard, le répertoire germanique également et le répertoire nordique aussi. Parce que je suis également chef du Chœur de la Radio Suédoise et surtout parce que Laurence Equilbey a forgé un son français puisant dans ces traditions et pratiques professionnelles chorales du Nord.
C'est ainsi que nous avons pu chanter "Un Requiem allemand" de Brahms qui a été un grand moment dans la plus pure tradition de la grande musique allemande, tout comme les grandes pièces suédoises de Stenhammar les ont menés loin sur le plan culturel, dans le lien entre les dimensions textuelles et musicales. Ces moments-là gravent le son d'un ensemble, un son de pure émotion.
Dans la richesse des répertoires et des master-classes (avec la Slovène Martina Batič, le Français Christophe Grapperon, le Suédois Stefan Parkman, etc.), nous avons ainsi voulu avec Richard modeler le chœur dans le chant ensemble, pas seulement dans le modelage de belles voix. Nous œuvrons ainsi en alternance et de concert pour la qualité du groupe, l'ego commun et pas personnel.
Grâce à cela, ils peuvent offrir au collectif ce qui est à eux, unique et fabuleux : cette énergie liée à leur âge, à leur formation. Cette passion, cet œil neuf, celui de l'envie et de la découverte des répertoires qui sont toujours nouveaux pour eux. Et c'est pour cela que nous sélectionnons des répertoires qui les mettent en valeur. Qui les rendent beaux. » « Ce jeune chœur a un son très riche et très chaleureux, se félicite l’autre chef de ce chœur, Richard Wilberforce. Leur résonance est profonde dès les nuances piano. C'est un son qui m'a touché dès le début. Ils ne sont pas dans une volonté individualiste de chanter le plus fort et le plus haut. Ils offrent ainsi une très grande palette et les forte peuvent être très intenses par l'union des voix.
C’est un Chœur avec lequel nous pouvons prendre le temps du travail : l’apprentissage peut prendre son temps, son rythme, permettant de ce fait une profonde connaissance des morceaux ». Richard Wilberforce a d’ailleurs rejoint ce projet suite à son travail avec accentus. Repéré via le travail avec ce Chœur, il a été engagé à la co-direction musicale (ainsi que pour la direction de la Maîtrise de Paris et des heures d'enseignement au CRR) : « Nous avons passé sept années très heureuses ensemble avec le chœur et Marc, avec des projets très riches et variés. Ce fonctionnement en binôme nous invite à creuser nos spécialités (dans nos langues et styles de prédilection) tout en traçant des liens avec l'autre. Et puis cela évite toute routine, cela nous aide et aide les jeunes chanteurs à conserver leur engagement et enthousiasme.
Nous travaillons beaucoup en équipe, Laurence, Florence, Marc et moi, pour construire des saisons riches et équilibrées avec des défis artistiques faisables en termes de planning et technique. Il y a un chemin pédagogique suivi de très près et dans un accompagnement personnel. Cela va jusqu'à l'accompagnement individuel des voix par les professeurs de chant. Et à ce titre, Florence fait un travail formidable au plus près du pouls de chaque voix pour nous recommander de faire attention à tel ou tel élément de travail en cours, ou pour confier à tel ou tel un solo qui leur conviendrait particulièrement. Et nous sommes très heureux et chanceux que Laurence soit impliquée dans la réflexion globale, la vision et les grandes décisions.
Marc et moi pouvons également apporter aux jeunes chanteurs les conseils et recommandations qui leur seront utiles et leur indiquer ce qui leur sera exigé dans leur future carrière. À ce titre aussi, être en co-direction est très précieux car cela nous permet également de diriger d'autres ensembles professionnels (et je prépare aussi des concerts d'accentus). »
Ce projet allie ainsi pédagogie et artistique parce qu'il allie travail du répertoire et de la sonorité. Laurence Equilbey en montre ainsi les ambitions de transmission : « Nous cherchons à sculpter ce son de chœur que nous aimons particulièrement : celui d’une fusion des timbres dans un grand respect des équilibres. C’est une esthétique que je souhaite vraiment faire perdurer et transmettre (nous l’avions perdue et elle peut se perdre à nouveau très rapidement). Idéalement, les anciens du jeune chœur de paris iront aussi à leur tour transmettre ce son. »
Et cette richesse complémentaire, ce travail esthétique jusqu'à la matière sonore se déploie à l'échelle de tout le cursus, pour et entre les choristes et leurs enseignants, comme le confirme Marc Korovitch : « Les professeurs de chant connaissent très bien la place du chœur et nous chefs de chœur connaissons et apprécions pleinement la place des cours de chant et la richesse du cursus de formation au DSJC. Le chœur n'aurait pas ce niveau sans les professeurs de chant et leur pratique scénique, et leur niveau de chant ne serait pas aussi élevé sans cette culture du groupe et cette flexibilité (qui leur demande d'aller trouver des couleurs nouvelles).
Tout le monde a ainsi le même objectif, et la même feuille de route. C'est assez unique : tout le monde œuvre dans le même sens et tout le monde valorise le travail de l'autre.
Les pratiques se nourrissent ainsi pleinement et réciproquement pour leur donner ce goût et cet amour, du répertoire et du travail, de la beauté, de la profondeur de cette exigence vocale et chorale.
Ce programme leur donne non seulement un aperçu, un avant-goût mais déjà un aboutissement de leur travail, par des projets. Ils se passionnent ainsi pour le répertoire choral et la qualité de chant qu'il exige.
Ce chœur est un trésor à chérir, à nourrir. Il faut que cet amour et cette flamme du chant choral perdure car ce chœur a sa place et son rôle dans le paysage culturel et pour donner envie aux futures voix de tomber amoureux de ce répertoire et de cette pratique. »
Voies futures
Ouvrir les voies en préservant les voix, voilà ce qui guide le travail du jeune chœur de paris & Département Supérieur pour Jeunes Chanteurs dans son organisation pédagogique et ses choix artistiques. Cette formation prépare ainsi pleinement la suite du parcours de ces chanteurs, en leur donnant un maximum d'outils pour faire carrière, dans un maximum de contextes et configurations artistiques, en commençant par la poursuite d'études supérieures et l'insertion professionnelle, comme s'en félicite Laurence Equilbey : « Grâce à leur formation complète, lorsqu’ils décrochent leur diplôme jeune chanteur (en général vers 23 ans), beaucoup d'entre eux réussissent les concours les plus exigeants (ou bien ils se lancent immédiatement dans leurs carrières de chanteurs).
Nous nous sommes également et tout de suite mis en lien avec le Pôle Supérieur Paris Boulogne-Billancourt qui leur permet, via un double cursus, d’obtenir un Diplôme Supérieur d’Interprète et un Diplôme d’État pour enseigner en conservatoire (leur offrant une autre voie professionnelle encore, d’autant que la voix n’est pas éternelle). Ils sont jeunes et de très haut niveau. Tous trouveront ainsi un chemin d'épanouissement dans le cadre de ce cursus et à son issue. »
La formation donne ainsi les outils pour construire une carrière future et elle met même d'ores et déjà ces jeunes artistes en situations d'engagements professionnels. « Le chœur apprend véritablement aux chanteurs lyriques la technique de chant d’ensemble qui va être essentielle pour eux, quelle que soit leur carrière, promet Laurence Equilbey. Ce jeune chœur a déjà une belle carrière et un palmarès : il a notamment reçu le Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral en 2008. Encore récemment, ils ont participé à la Symphonie des Mille avec Daniel Harding à la Philharmonie de Paris et ont contribué à des enregistrements discographiques. Dans les projets artistiques et opératiques auxquels ils participent avec ce cursus, nous voyons leur épanouissement, c’est essentiel, et émouvant. »
« Proposer chaque année des projets scéniques (opéras, opérettes, petits ou grands formats) en travaillant le jeu, le corps : tout cela leur apporte un épanouissement et leur permet de réussir ensuite des concours et des auditions, renchérit avec enthousiasme Florence Guignolet. Nous avons ainsi des partenariats avec des ensembles, dont l’Orchestre Colonne. Les membres du jeune chœur chantent ainsi dans de grandes salles (et même des stadiums) mais aussi au plus proche des gens (dans des EHPAD, ou près des enfants). Nous avons aussi fait récemment une petite Flûte en une heure (et puis ils peuvent chanter du Stockhausen), cela leur permet de se frotter aux différents répertoires et de faire autant de pas vers leur futur. Ils y trouvent beaucoup de sens, humain, artistique et professionnel. Et ils apportent aux œuvres leur jeunesse, leur passion, leurs émotions, leur envie. Et nous avons la même richesse de projets prévus pour la suite : avec des productions scéniques, du théâtre musical, de grands programmes orchestraux, du répertoire contemporain, des échanges à l'étranger, etc. »
Cette insertion professionnelle se fait ainsi avec de grandes phalanges, lieux et ensembles, dont celles et ceux également dirigés par Laurence Equilbey : « J’aime beaucoup collaborer avec eux : lorsque j’ai dirigé Lucio Silla, je les ai invités pour la petite participation du chœur, idem dans la Passion selon Saint Jean pour l’un des deux chœurs, celui des commentaires spirituels, chantant les chorals : cela produisait une confrontation très spectaculaire pour le public. Le chœur accentus est un support et soutien dans ce projet pour la mise en situation professionnelle, pour le chœur et les jeunes solistes : nous les engageons dès que possible sur des projets, et nous les mettons en lien et en avant auprès des professionnels. Nombre d’entre eux poursuivent ainsi de belles carrières. »
Voie unique à plusieurs
Justement, la formation et l'identité de cette phalange la prépare et l'accompagne dans l'élaboration de spectacles, mais cette phalange donne en retour aux spectacles son énergie et sa richesse particulière comme en témoigne Florence Guignolet : « Nous avons souvent ce retour de spectateurs impressionnés de voir de si jeunes artistes chanter des opéras et des opérettes tout en sachant parfaitement interpréter les passages en ensembles et en chant choral. C’est justement tout le sel de cette formation. Je les connais très bien individuellement mais je suis toujours étonnée de voir et d'entendre leur métamorphose collective, vocalement et théâtralement. Ils construisent un son qui va être une unité artistique, ils font évoluer leur voix et leur présence, s'approprient des répertoires. Je vois constamment de magnifiques concerts et projets au long de l'année avec eux (et donc cela depuis plus de 20 ans). Ils apprennent à chanter, bien, et en toutes circonstances, tous les répertoires. Ils sont chanteurs tout terrain. »
Le contenu de la formation est ainsi un parcours accompagnant dans l'élaboration d'une carrière professionnelle, et les dernières années et étapes permettent même de bâtir des projets et programmes correspondant à la richesse qui peut être attendue d'une personnalité artistique. Florence Guignolet le détaille ainsi : « En fins d’années dans les classes préparatoires à l’enseignement supérieur, ils montent eux-mêmes des scènes d’un rôle en faisant leur mise en scène, ils travaillent également un cycle de mélodies ou de Lieder, et une pièce contemporaine. Cela permet de voir tout ce qu’ils ont pu apprendre, tout leur imaginaire et leurs propositions artistiques, et les promesses de l’avenir. C’est un travail sur l’autonomie artistique qui leur sera très précieux pour plus tard. »
Voies de partage
Le lien et le partage se poursuit ainsi au long cours avec les membres, en gardant contact et soutien. « Les anciens gardent visiblement beaucoup d'affection pour leur parcours chez nous, s’émeut Florence Guignolet : ils restent très attachés à ces moments et à cette formation de leurs débuts : ils nous donnent des nouvelles, reviennent nous rendre visite (et nous invitons des anciens pour certains projets). Pour l'occasion du concert des 20 ans, sont revenus chanter avec nous des étudiants de la première promotion ! C'était émouvant et impressionnant. »
Et le partage de ce jeune chœur s'offre aussi au reste de la communauté musicale et vocale, comme l'explique Laurence Equilbey : « Le jeune chœur de paris partage également ses ressources artistiques et pédagogiques, sur le Cen, Centre de ressources dédié à l'art choral où tous les chœurs peuvent venir puiser. D’ailleurs notre appellation “jeune chœur” est devenue comme un nom commun, repris par d’autres (ce qui me réjouit, j’avais beaucoup réfléchi pour le nom, et je trouvais que “chœur de jeunes” ne renvoyait par l’image de sérieux incontournable). C’est désormais un cursus pilier en Europe, conclut Laurence Equilbey. Un cursus observé, comparé. » « Imité jamais égalé ! poursuit Marc Korovitch. Lorsque j'en parle à l'étranger, je crée des jalousies [rires]. Certains chœurs professionnels accueillent parfois des étudiants mais cette formation pleinement double est assez unique. C'est une fierté française, qui mériterait d'être davantage reproduite. »