Masterclasse de maestros et maestras à la Cité Musicale de Metz
Cette « masterclasse Gabriel Pierné », en hommage au compositeur messin qui fut aussi chef, est chapeautée par David Reiland, Directeur musical de l’Orchestre national de Metz. L’occasion, pour de jeunes cheffes et chefs en devenir, de bénéficier d’un tremplin vers la vie professionnelle. Nombre d’entre eux ont tenté leur chance, comme le rappelle David Reiland en préambule du concert de restitution : sur 150 vidéos, puis 80 candidatures, 6 ont été sélectionnés, 3 hommes et 3 femmes, parité parfaite qui s’inscrit aussi dans la lettre et l’esprit de cette masterclasse.
3e jour des masterclasses de direction d'orchestre Gabriel Perné à l'#ArsenalMetz. Les 6 jeunes cheffes et chefs d#orchestre suivent les précieux conseils de @DavidReiland4, directeur musical de l'#OrchestrenationaldeMetz. Séances ouvertes au public >> https://t.co/hedySKjD07 pic.twitter.com/LEZtUkW3te — Cité Musicale-Metz (@CiteMusicale) 3 septembre 2020
L’univers des chefs est toujours majoritairement celui des « maestros » et pas des « maestras » (nom d'un concours prochain exclusivement destiné aux femmes) et pour citer David Reiland, les chefs sont « les parents pauvres de la pédagogie musicale », ceux qui « reçoivent leur instrument à la fin de leurs études ».
Alors que le public a l’habitude de découvrir de jeunes solistes instrumentistes ou lyriques, l’occasion est donnée, par ce concert de restitution, de découvrir six personnalités différentes, chacune avec sa direction propre, dans un programme intelligemment construit. Dumbarton Oaks de Stravinsky puis le Prélude à l’après-midi d’un Faune de Debussy sont dirigés par deux baguettes différentes, privilège rarissime pour le public d’entendre et de voir des directions variées à la suite, et de bénéficier d’une double ration de chacun de ces joyaux, à la différence près que le deuxième chef sur Dumbarton Oaks inclut le troisième mouvement, mis de côté par sa première consœur. Pour le dernier morceau, la Symphonie 41 dite Jupiter de Mozart, un chef et une cheffe se succèdent sur les quatre mouvements.
Les gestes barrières respectés, la distanciation de mise sur scène, chacune et chacun se présente masqué(e) au public, avant d’ôter le bâillon une fois vers l’orchestre. Un écran tourné vers les spectateurs leur permet d’observer l’expressivité du visage, si propice à montrer, outre l’implication du corps, comment s'exprime le ressenti au contact de la musique et des instrumentistes. Les habitudes sont déjà ancrées, tablette et baguette pour la première, partitions papier et mains nues pour les autres.
Christina Iscenco, jeune cheffe moldave, met savamment en valeur le dialogue entre clarinette et basson, tout en légèreté, dans lequel la flûte vient s’immiscer sur Dumbarton Oaks. La pièce, qui divise les instruments par groupes ou laisse la place aux solistes, est dirigée par des mouvements pointus, précis, du bout de la baguette, qui par moments donnent un effet de rigidité, d’autant plus que la cheffe reste statique, les bras seuls étant en mouvement. Très tendue, malgré une direction pourtant maîtrisée, elle salue rapidement l’auditoire.
Son collègue néerlandais Swann Van Rechem choisit un tempo un peu plus rapide, des gestes décisifs de la main et une grande expressivité du visage. Au troisième mouvement, les contrebasses mises en valeurs, l’usage intensif des pizzicati de leurs sœurs cordes, le soubassement du basson et des cors témoignent d’une maîtrise solide à la barre du navire-orchestre.
Le français Maxime Pitois convoque pour Debussy la légèreté, les sonorités pastorales, le mystère des premières mesures de l’orchestre, passées celles de la flûte introductive, somptueuse de grâce et de souffle, qu’elle conserve sous la deuxième direction. L’amplitude des mouvements, l’énergie insufflée par la suite donnent une belle image sonore d’un Faune vigoureux.
Pour la cheffe polonaise Agata Zajac, le Faune est plus mystérieux, image renforcée par le choix d’un tempo plus lent, d’un silence très marqué entre les mesures inaugurales de la flûte. La direction est aussi gracieuse, avec des gestes amples des bras, tels ceux d’une ballerine.
Le luxembourgeois Pit Brosius, à qui reviennent les premier et troisième mouvements de la Symphonie 41, alterne gestuelle ample et économie de mouvements selon les nuances de la partition. Chloé Dufresne fait montre, elle aussi, d’une belle assurance, de l’andante cantabile du deuxième mouvement au molto allegro final, tonique.
Le public, heureux de retrouver l’acoustique fétiche de la Grande Salle de l’Arsenal et son élégance boisée, apprécie l’initiative, et applaudit les cheffes et chefs ainsi que l’orchestre et David Reiland, maestro à l’écoute des directions en devenir.