Le Prisonnier
Le Prisonnier : la torture de l’espoir
En 1949, le compositeur italien Luigi Dallapiccola présente, à la radio de Turin, son plus célèbre opéra, Le Prisonnier (Il Prigioniero), qui sera représenté sur scène en 1950 au Mai musical de Florence. Le livret, qui tient en un prologue et un acte, s’inspire de La Torture par l’Espérance, nouvelle de Villiers de l’Isle-Adam.
Située à Saragosse dans la seconde moitié du XVIème siècle, l’action a lieu dans une prison où un fils révèle à sa mère les tortures qu’il endure de la part de son geôlier qui l’appelle « frère ». Ici, ce n’est pas le personnage principal mais bien le geôlier qui fait preuve de sadisme, principalement psychologique. Rendant visite au Prisonnier dans sa cellule, le cruel gardien lui annonce que la Flandre s’est révoltée contre l’emprise espagnole et que la cloche Roelandt, symbole de liberté, va se remettre à carillonner. Puis il quitte la geôle en laissant la porte entrouverte, ce dont Le Prisonnier ne s’aperçoit que quelques instants plus tard après s’être remis de cette stupéfiante nouvelle.
Le héros se faufile donc hors de sa cage et prie ses jambes de le porter jusqu’à l’extérieur. Mais sur le chemin, la rencontre du bourreau puis de deux moines met en péril son évasion. Par chance, aucun d’eux ne le remarque, il continue alors sa route jusqu’à sentir de l’air frais et entendre le son de la cloche de la liberté. Le Prisonnier finit par arriver dans une paisible cour arborée et remercie Dieu par un fervent Alleluia. C’est sans compter sur l’hypocrite geôlier. En effet, Le Prisonnier entend une voix l’appeler « frère » puis découvre alors son tourmenteur qui s’avance vers lui pour lui demander d’un air mielleux « Pourquoi veux-tu nous quitter maintenant, à la veille même de ton salut ? ». Le Prisonnier prend alors conscience de la perfidie du geôlier qui lui a fait endurer la torture suprême : celle de l’espoir.
Confronter un héros esseulé à une autorité qui l’écrase permet à Dallapiccola d’insuffler à son œuvre une dimension universelle. C’est en 1938, à l’époque où Mussolini promulgue les premières lois antisémites en Italie que Dallapiccola commence la composition du Prisonnier, œuvre considérée comme annonciatrice de la Protest Music, mouvement musical anglo-saxon engagé contre le totalitarisme.
Magdalena Anna Hofmann chante ici Le Prisonnier, à l’Opéra de Lyon, en 2013 :
En 2018, La Monnaie de Bruxelles monte en diptyque Le Prisonnier de Luigi Dallapiccola et L'Enceinte de Wolfgang Rihm : notre compte-rendu
Rendez-vous demain pour un nouvel air qui déjoue les pièges et traverse les barreaux des prisons et des enfermements