La Fille du régiment met le feu au Liceu de Barcelone
La mise en scène de Laurent Pelly, il est vrai, déborde de vie, d’urgence, d’humour -souvent réjouissant, souvent cocasse-, de folie, et sait interpeller de bout en bout le spectateur par son indicible magie. De leur côté, Sabina Puértolas et (plus encore) Javier Camarena font délirer la salle grâce à leur époustouflante virtuosité vocale et leur irrésistible aisance scénique. C'est ainsi une nouvelle fois attesté : le public catalan demeure l’un des plus enthousiastes du monde, saluant les artistes par d’interminables applaudissements (huit minutes -chrono en main- après le fameux « Ah mes amis, quel jour de fête » nécessitant du ténor un enchaînement de neuf contre-ut) !
Javier Camarena - La Fille du Régiment par Laurent Pelly (© A Bofill)
Rien de bien étonnant à cela, le Tonio du ténor mexicain Javier Camarena est tout simplement époustouflant, et à plus d’un titre : pour son élégance stylistique, son sens inné du legato, son timbre de miel, ses aigus infaillibles, et cette façon de passer du piano au forte sur une même note qui lui permet de varier à l’infini son chant. Généreux, après les huit minutes de délire collectif à la fin de son grand air, il satisfait les réclamations d’un public chauffé à blanc, et offre un bis de « Ah mes amis ».
Succédant à la superlative Natalie Dessay, l’espagnole Sabina Puértolas joue la comédie à ravir. Présence solide, violemment théâtrale, elle convainc. Seules de fines bouches pourraient éventuellement lui reprocher un certain manque de naturel et quelques exagérations. Surtout que son soprano clair, juste, haut perché, souvent épuré, fait ici merveille.
La contralto polonaise Ewa Podleś -véritable icône au Liceu où elle revient chaque saison- campe une Marquise de Birkenfeld irrésistible de présence, tandis que Simone Alberghini est un Sulpice bougonnant à souhait. N’oublions pas l’Hortensius d’Isaac Galan, qui possède un sens inné du rythme, ni la Duchesse de Crackenthorpe de Bibiana Fernandez, immense comédienne espagnole, à la folie douce et contagieuse.
La Fille du Régiment par Laurent Pelly (© A Bofill)
Enfin, l’Orchestre Symphonique du Grand Théâtre du Liceu, sous la baguette de Giuseppe Finzi, respire naturellement au rythme d’une musique tour à tour allègre et mélancolique. Bref, la production, qui n'a pas fini son tour du monde, est servie ici par deux voix tout simplement splendides.