Bouquet de musique et de danse à la française à l’Opéra royal de Versailles
L’Opéra royal de Versailles et son orchestre accueillent le chef allemand Reinhard Goebel pour un programme d’œuvres des XVIIe et XVIIIe siècle influencées par la danse française. Un concert passionné et irrésistible, sans public mais dont heureusement une captation vidéo a été faite par les Productions de l’Opéra royal.
Depuis le Grand siècle, la musique française, rythmée par les suites de danse et les ballets tant prisés à la cour, se répand dans toute l’Europe. Selon l’effectif des orchestres à disposition et les habitudes propres à chacun, il n’est pas rare que les œuvres soient adaptées et arrangées. C’est pourquoi le chef d’orchestre allemand Reinhard Goebel assume pleinement une interprétation avec grand orchestre de type mozartien dans ce programme intitulé « Les Caractères de la Danse » et réunissant entre autres des œuvres de Jean-Baptiste Lully (1632-1687), Jean-Philippe Rameau (1683-1764) ou Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791).
Faisant face au sublime bijou baroque qu’est la salle de l’Opéra royal de Versailles, le chef d’orchestre se montre, dès les toutes premières mesures, rempli de passion et s’investit pleinement pour transmettre toute son énergie aux musiciens de l’Orchestre de l’Opéra royal. Ceux-ci se montrent cependant d’abord assez sages, manquant sans doute un peu du brin de folie que l’on pourrait attendre dans l’interprétation de la Comédie-Ballet du Bourgeois gentilhomme. Il ne faut toutefois pas attendre trop longtemps pour que leur plaisir de jouer puisse être communicative avec la célèbre Marche de la Cérémonie des Turcs. Ils se montrent ensuite touchant lors de la « Symphonie chorégraphique » extrait des Caractères de la Danse de Jean-Féry Rebel (1666-1747).
L’engagement du chef et du premier violon Stefan Plewniak, au jeu agile et mordant – voire un peu trop parfois par rapport à ses collègues dont il se démarque aisément – apporte beaucoup de théâtralité, subtile et fière, lors de l’ouverture et de la suite de danse de Pygmalion de Rameau. De jolies couleurs offrent des atmosphères parfois envoûtantes, d’autres fois beaucoup de prestance. La direction permet au discours musical d’avancer avec régularité sans jamais tomber dans la précipitation, bien que parfois l’on puisse regretter un certain manque de clarté dans le jeu d’ensemble. On peut apprécier particulièrement la tempétueuse « Danse des Furies », extraite d’Orphée et Eurydice de Christoph Willibad Gluck (1714-1787), avec notamment des cors et des trombones rugissants, ainsi que des pupitres de violoncelles et de contrebasse agréablement présents pour asseoir les graves. Le « Ballet des Ombres heureuses » qui suit immédiatement est un moment d’apaisement lors duquel on ne peut qu’être bercé par l’agilité lyrique du flûtiste, et ce particulièrement lors du Da Capo.
C’est avec le ballet extrait d’Idoméneo de Mozart que se termine ce concert, avec surprises et énergie théâtrale – au risque de perdre parfois en clarté et en jeu d’ensemble. Si l’on ne peut apprécier ce concert en salle, peut-être peut-on apprécier de pouvoir se laisser porter par la danse en l’écoutant et en le réécoutant chez soi !