Puccini, un compositeur vériste ?
Giacomo Puccini composant à son piano
Que dire, par rapport à cette question, à propos de Giacomo Puccini (1858-1924) ? En fait, il n'est pas vraiment facile de répondre à cette question d'un bloc, car tout dépend de quels opéras on veut parler. Si l'on prend par exemple "La Bohème" (1896), il est évident qu'on y trouve de nombreux caractères véristes, à travers la vie quotidienne que mènent les principaux personnages (Rodolfo, Mimi, Marcello, Schaunard), vivant dans des conditions matérielles pour le moins difficiles, dans une mansarde insalubre et sans aucune sécurité pour le lendemain ; et ceci malgré une certaine joie de vivre, qui est celle de la jeunesse qui se retrouvait au quartier Latin à Paris dans les années 1830-1831 (au début de la Monarchie de Juillet, sous le règne de Louis-Philippe). Écoutons par exemple la scène pendant laquelle Mimi (soprano) vient de rencontrer Rodolfo (ténor)... Extrait 1 : "La Bohème", Acte I, "Air de Mimi"... par Angela Gheorghiu, en présence de Ramon Vargas..., deux grands solistes actuels...https://www.youtube.com/watch?v=m0nSKRbQ2_g ...
On peut aussi considérer qu'il en va de même - mais peut-être un peu moins nettement - pour "Manon Lescaut" (1893), d'après l'abbé Prévost, notamment lors de la scène finale particulièrement tragique débouchant sur la mort de Manon (soprano) dans les bras de celui qu'elle aime et qui l'aime, le jeune chevalier Des Grieux (ténor)... Extrait 2 : "Manon Lescaut", Acte IV, une partie de "l'Air de Manon"... "Sola, perduta, abandonnata"... par Kristine Opolais, une autre soprano actuelle, très grande puccinienne...https://www.youtube.com/watch?v=HRGY6BRkev0 ...
Il est également possible de qualifier de vériste l'opéra "La fanciulla del West" (ou La Fille du Far Ouest) (1910), que Puccini composa pour rendre hommage au peuple américain pendant son voyage aux Etats-Unis... Extrait 3 : "La fanciulla del West", Acte III, "Air de Dick Johnson"... "Ch'ella mi creda libero", le personnage de Dick Johnson (ténor) étant ici incarné par un soliste actuel que l'on n'a pas à présenter, puisqu'il s'agit de l'allemand Jonas Kaufmann...https://www.youtube.com/watch?v=HhzB4yQQWHM ...
Il faudrait ajouter à cette liste une partie des opéras du "trittico" (Le Triptyque) (1918), qui comprend "Suor Angelica", "Ghianni Schicchi", et "Il tabarro" (ou La Houpelande). C'est cette dernière partition - en un acte - qui revêt indiscutablement des aspects véristes très marqués, avec un personnage présenté comme jaloux et violent, Michele (baryton), le mari de Giorgetta (soprano), et un argument rempli d'alcool et de disputes, faisant un peu penser à "L’Assommoir" de Zola... L'action se déroule à Paris sous un pont, dans la péniche de Michele, vers 1910... Extrait 4 : "Duo entre Giorgetta et Michele", avec deux solistes moins connus...https://www.youtube.com/watch?v=Uvhe6_B1cwg ...
Mais, il est évident que Puccini transcenda le genre des opéras véristes, en leur donnant davantage d'ampleur et de subtilité musicale et dramatique... Ainsi dans "Madama Butterfly" (ou Madame Butterfly) (1904), qui dépeint pourtant un fait divers partiellement réel (celui d'une geisha abandonnée par un officier américain, et qui finit par se suicider). Le summum de cette transcendance musicale puccinienne par rapport au vérisme fut atteinte par son opéra "Turandot" (dont la partition fut achevée par Franco Alfano, étant donné le décès de Puccini en 1924, au moment de "la mort de Liu"), avec sa création en 1926...
"Turandot" revêt une double dimension, post-verdienne et ayant des influences quasi-wagnériennes... Écoutons le Finale de ce superbe opéra, dont l'action se déroule dans le cadre d'une Chine médiévale et légendaire, avec le "Duo d'amour" entre Turandot (soprano dramatique) et le prince Calaf (ténor)... Extrait 5 : "Turandot", Acte III, "Finale"... avec deux immenses solistes d'hier, Eva Marton et Placido Domingo, soutenus par les chœurs...https://www.youtube.com/watch?v=XoTa-b7cUw0 ... En somme, un Puccini vivant en pleine période post-verdienne et pendant le triomphe de l'école vériste, mais atteignant une dimension nettement supérieure à cette dernière ; ceci dit sans pour autant vouloir minimiser la valeur des opéras des Mascagni, Leoncavallo, Cilea, Giordano, Catalani, et autres compositeurs véristes - tous excellents musiciens et créateurs d'opéras d'une très grande qualité...