IMPRESSIONS SUR MADAME FAVART...
Le phénomène Barbe-Bleue de l’Opéra de Lyon ne se sera pas (entièrement) reproduit à l’Opéra-Comique, avec Madame Favart, donnée hier soir à l'Opéra Comique. La faute en incombe à Jacquot lui -même : ce n’est pas lui faire injure que de trouver de temps en temps, dans son œuvre pléthorique, une partition moins réussie que les autres. Il y a bien sûr de fort belles choses – le rondeau « Je passe sur mon enfance », un mélange typiquement offenbachien de tendresse et d’humour), la valse de Suzanne, les couplets de Favart « Je cherche dans ma cervelle… »,… Mais ce qui se veut drôle, souvent, ne l’est pas vraiment (les couplets « des échaudés »…), et plusieurs pages font l’effet de pétards mouillés, tel le finale du I : « Allons, soudain mettons-nous en voyage », qui n’arrive pas à décoller…
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Qui plus est, le livret n’est pas bon (que de bavardages dans les actes I et III, où les personnages passent leur temps à raconter des actions passées ou extérieures à la scène !) Seul le II fait un peu sourire.
Le plus gênant, en fait, réside sans doute dans l’alignement de recettes destinées à rencontrer la faveur du public, et qui ne sont pas toujours des plus raffinées : comédienne enfermée dans un couvent, grivoiseries, chants de vivandières, de militaires, chansons à boire, , …
Enfin, à l’exception de l’incroyable et hilarant duo des « Tyroliens de naissance », l’œuvre ne comporte pas de ces pages réellement folles, absurdes, parfaitement déjantées dans lesquelles Offenbach n’a guère de rival. (Il y a bien aussi le duo des faux Anglais, à pleurer de rire (de mémoire : « Ah, Venise elle est jolie, London I prefer ! / Oh yes moi comme vous I prefer / Birmingham or Manchester ! »). Mais il a été supprimé par Offenbach… et l’on n’a malheureusement pas cru bon de le rétablir de rétablir pour l’occasion.
Bref, on comprend bien que le Palazzetto Bru Zane ait eu envie de remonter Madame Favart salle Favart, et cette redécouverte reste intéressante. Mais enfin tant de vraies œuvres majeures attendent depuis si longtemps qu’on les remette au jour : Le Pont des Soupirs, par exemple, exceptionnel dans le genre bouffe, ou le splendide Robinson Crusoé qui semble décidément n’intéresser personne…
Sinon : je n’ai pas trop compris pourquoi tout se passait dans un atelier de couture ; Laurent Campellone est IMPECCABLE dans ce répertoire et, par sa précision, sa vivacité, son enthousiasme, parvient presque à nous faire oublier que certaines pages assez tièdes d’inspiration n’ont pas le peps des grands chefs-d’œuvre d’Offenbach. Les chanteurs-acteurs se donnent à fond, s’amusent et amusent, et (mais c’est là purement personnel) je mets tout en haut de l’affiche Éric Huchet, irremplaçable dans ces rôles de ténors bouffes, et Anne-Catherine Gillet, idéale de fraîcheur et de style dans ce répertoire – et qui s’avère être par ailleurs une excellente comédienne… et la reine du grand écart !