En Bref
Création de l'opéra
La Main heureuse (Die glückliche Hand en allemand) est un "drame musical" composé par Arnold Schönberg pour un chanteur baryton, deux mimes (homme et femme), choeur mixte (six hommes et six femmes) et orchestre symphonique. La composition s'étend sur trois ans (1910-1913) et commence un an après celle de L'Attente (Erwartung, 1909) : ces deux drames en un acte partagent de nombreux points communs, ils forment presque un diptyque à distance. Leur structure, forme, approche musicale et dramatique, leur durée même sont communes : exprimer entre 20 et 30 minutes la psyché tortueuse de la modernité (des humains, du théâtre, de la musique) notamment inspiré par l'ouvrage Sexe et Caractère d'Otto Weininger. Schönberg s'éloigne ainsi dans ces deux opus de l'usage traditionnel des "thèmes" (aussi bien les thèmes du texte que de la musique : les deux se libèrent mutuellement). Pour ce faire, le compositeur va même plus loin dans que dans L'Attente puisqu'il écrit lui-même le livret de La Main heureuse (l'occasion aussi de traiter et régler des tourments personnels dans la vie de l'artiste : les difficultés de l'artiste face à la mauvaise réception de son oeuvre et l'histoire d'un homme soucieux-trompé, comme c'est arrivé à Schönberg).
Clés d'écoute de l'opéra
Le drame musical est concentré en un acte et 20 minutes. Cet opus a une grande importance dans l'histoire de l'art musical au XXe siècle. Tout d'abord car il est l'oeuvre de Schönberg, fondateur de la Seconde Ecole de Vienne (avec ses élèves Berg et Webern), qui vise à refonder, révolutionner la musique comme le fit la première Ecole de Vienne en son temps (Haydn, Mozart et Beethoven).
Les dates différentes et lointaines des grandes étapes et premières de cette oeuvre montrent aussi que cet opus annonça et marqua des évolutions esthtétiques essentielles. La partition est achevée dès 1913 (et s'annonce en cela comme expressionniste pré-surréaliste : aussi bien dans son histoire que dans sa musique -c'est même là l'aspect absolument essentiel de cet opus, le lien créatif que les deux paramètres tissent, renforcent ensemble- mettant en avant l'expression des sentiments et de la psyché tout en cheminant vers un abandon de la narration chronologique, thématique).
L'oeuvre n'est créée que le 10 octobre 1924 au Volksoper de Vienne (par le baryton Alfred Jerger et le chef Fritz Stiedry), soit un an après l'émergence de la technique révolutionnaire de Schoenberg qu'est le "dodécaphonisme" (emploi chacune à son tour des 12 notes de la gammes pour détruire la tonalité et fonder une nouvelle musique). La création française sera radiophonique et devra attendre février 1964 (direction Michael Gielen), la création scénique aura lieu à Lyon en février 1969 (dans une version française selon la tradition encore présente de localiser les opus selon les pays où ils sont joués), sous la direction de René Leibowitz.
Pierre Boulez, autre figure capitale de la musique au XXe siècle (compositeur héritier de Schoenberg dont il a étendu les principes à tous les paramètres sonores : hauteurs mais aussi durées, intensités, timbres, modes de jeux, ...) a également dirigé La Main heureuse avec le le baryton-basse allemand Siegmund Nimsgern, le Chœur et l'Orchestre symphonique de la BBC.