Rarement donné de nos jours, Ottone a été du temps de Haendel un des ouvrages les plus fréquemment représentés à Londres. La reprise de 1734, par le Théâtre de la Noblesse, fut d’ailleurs l’une des rares occasions où Farinelli, face à son rival Senesino, se mesura à la musique de Haendel dans le rôle d’Adelberto, partie qui avait certes été quelque peu étoffée pour la circonstance. La version originale de 1723, conçue pour la troisième saison de la Royal Academy of Music à l’intention de stars de l’envergure de Senesino, de la Cuzzoni, de Margherita Duranstanti ou de la basse Giuseppe Maria Boschi, n’était d’ailleurs pas, paradoxalement, particulièrement spectaculaire en termes de virtuosité vocale. C’est justement à propos d’Ottone que l’on raconte l’anecdote selon laquelle Haendel, exaspéré par les demandes de Francesca Cuzzoni qui lui réclamait du brillant pour honorer son début à Londres, aurait menacé de passer par la fenêtre sa nouvelle Prima Donna lorsque cette dernière refusa de chanter un de ses airs. L’air en question, « Falsa imagine » (Image trompeuse), pourrait d’ailleurs tout aussi bien s’appliquer à l’opéra baroque tout entier, genre qui lui aussi pourrait donner l’image trompeuse d’une musique creuse et obsédée de virtuosité alors qu’elle ne cherche finalement qu’à créer l’émotion et à dépeindre au plus près la profondeur et la complexité de la psyché humaine.