En Bref

Création de l'opéra
Seuls trois opéras de Monteverdi nous sont parvenus : Le Couronnement de Poppée (L'Incoronazione di Poppea, 1643) est le dernier, après Orphée (L’Orfeo, 1607) et Le Retour d’Ulysse dans sa patrie (Il Ritorno d’Ulisse in Patria, 1640). Comme c’est le cas pour Le Retour d’Ulysse dans sa patrie, les origines et l’attribution même du Couronnement de Poppée ont été souvent questionnées, sachant qu’il existe deux versions musicales dissemblables de cet opéra et différents livrets.
L’ultime chef-d’œuvre de Monteverdi que constitue Le Couronnement de Poppée est l’occasion d’admirer combien chacun de ses trois opéras qui nous sont parvenus ont révolutionné le genre : L’Orfeo comme premier sommet sublime de théâtre entièrement chanté, Le Retour d’Ulysse dans sa patrie entérinant le principe de l’Aria en dialogue avec le récitatif (un second opéra qui, de surcroît, renouvelle déjà le genre avec des tempéraments très différents et notamment des éléments comiques).
Sujet historique puisé chez les grands auteurs latins, très loin des demi-dieux héroïques Orphée et Ulysse, Le Couronnement de Poppée met en scène des anti-héros, infidèles, comploteurs, vils et meurtriers. La malice triomphe, non pas de la vertu mais d’autres intrigants, moins habiles.
Un nouvel opéra pour un nouveau public
En 1613, Monteverdi déménage, il quitte la Cour de Mantoue pour rejoindre la République de Venise. Il abandonne ainsi les commandes aristocratiques et produit des œuvres qui doivent plaire au public (les premiers théâtres lyriques publics ouvrent dans la Sérénissime Cité des Doges dès les années 1630, notamment le Teatro San Cassiano en 1636 et deux ans plus tard le Teatro Santi Giovanni e Paolo dans lequel Monteverdi crée ses deux derniers opéras).
Le sujet sulfureux touchant à Poppée, Néron et Octavie séduit ainsi les spectateurs qui payent leur place à l’opéra, tandis que la dimension historique les instruit et fascine. Comme pour Le Retour d’Ulysse dans sa patrie, l’orchestre est moins fourni car il est ainsi moins onéreux, mais aussi parce que Monteverdi atteint une expressivité croissante dans la concentration des moyens instrumentaux. Cette intensification de l’accompagnement renforce également l’exposition et l’éloquence vocale.
Clés d'écoute de l'opéra
Le Couronnement de Poppée est la troisième étape dans le développement de l'Opéra par Monteverdi. En 1607, l'Orfeo fait accepter le principe de parler en chantant (la forme du recitar cantando ou parlar cantando). En 1641, Le Retour d’Ulysse dans sa patrie fait accepter l'aria, le principe d'un chant qui traduit la substance d'une émotion en plus de raconter une histoire. En 1642, Monteverdi développe le lyrisme, multiplie et allonge les arias aux dépends des récitatifs. Grand maître de l'Opéra, Monteverdi a inspiré une génération de compositeurs (Francesco Cavalli, Antonio Cesti, Giovanni Legrenzi) qui ont accentué le lyrisme de cette forme musicale et, par un intéressant retour des choses, le maître s'inspire à son tour de ses élèves pour le dramatisme de Poppée et il redevient même source d'inspiration pour la génération suivante de compositeurs (les trois Antonio : Caldara, Lotti et Vivaldi).Jusque dans le dramatisme, Monteverdi respecte et sublime toujours la prosodie, le naturel du parlé de la langue italienne qui est aux fondations de son esthétique et de l'opéra. Il déploie davantage cette prosodie dans des caractères grinçants et dissonants ou bien, au contraire, amples et langoureux.