Une Tosca poignante à l’Opéra de Massy
Après le succès de Werther (notre compte-rendu est à retrouver ici), l'Opéra de Massy présentait cette semaine le chef-d’œuvre italien Tosca de Puccini. D'ailleurs, anecdote soulignant les correspondances esthétiques de cette programmation, l'opéra de Puccini s'inspire de la pièce dramatique La Tosca de Victorien Sardou, créée en 1887, l'année même où Massenet achève son Werther. Puccini, bouleversé par la pièce de théâtre française, met en musique les tourments de la Tosca, dont la jalousie torture son amant Cavaradossi.
Tosca par Roberta Mattelli (© Opera 2001)
Roberta Mattelli et le scénographe Alfredo Troisi mènent le public dans l’atmosphère dramatique et incarnée de cet opéra, avec une Tosca rattrapée par la culpabilité religieuse, femme maudite sur laquelle les puissances politiques et amoureuses se referment, au fur et à mesure. Cette mise en scène s’applique à nous faire partager l’immense calvaire du personnage féminin et de tous ceux qui l'entourent, ennemis mutuels à leurs corps défendant, apeurés et pris au piège. La douleur de Tosca domine le drame, entraîne celle des autres, au point qu'elle paraît être plus en souffrance que son amant dans la scène où celui-ci se fait torturer. Bien ouvragés et flexibles, les décors renforcent l'ampleur dramatique, plongeant dans l’intérieur d’une église italienne, au plafond majestueux et infiniment grand : un éternel sanctuaire pour la Tosca. Ce plateau se change en un repère aussi élégant que malfamé, celui du Baron Scarpia. Les lumières sont réalistes et surtout bien évidentes, comme pour nous inciter à contempler les malheurs de chacun. Les projections de la scène de l’assassinat de Scarpia par Tosca désemparée mettent un focus puissant sur le corps de l'héroïne meurtrière, avertissement de la limite par elle franchie, malgré le plaisir de voir, enfin, le méchant vaincu. Complétant l'ensemble scénographique, les costumes sont d’époque, minutieux dans le détail et colorés.
Tosca par Roberta Mattelli (© Opera 2001)
L’Orchestre de l’Opéra de Massy, sous la direction de Dominique Rouits, tout en fluidité mais aussi en puissance, respecte le style de Puccini. Parmi plusieurs distributions proposées pour cette production, nous retrouvons ce soir la soprano Mélanie Moussay dans le rôle titre. Elle incarne la plaignante et bouleversante cantatrice attendue. Assurée, la voix est à son aise pour cette partition. Les aigus, comme sortis de nulle part, sont fracassants et son interprétation du fameux air "Vissi d’arte" est poignante. Dans le rôle du chevalier Cavaradossi, le ténor espagnol Javier Palacios se montre téméraire face aux obstacles. Malgré un jeu théâtral très en retrait, la voix est bien présente et puissante. Complétant le trio dramatique, le sombre et machiavélique Baron Scarpia est joué ce soir par Giulio Boschetti. Le rôle semble parfaitement convenir à son jeu de scène naturel.
Tosca par Roberta Mattelli (© Opera 2001)
Le prisonnier et condamné Angelotti est interprété par le basse August Metodiev. Bienveillant dans ses gestes, sa voix semble chantée à demi, comme pour ne pas se faire repérer par les gardes qui le pourchassent, mais ce qui donne l'envie d'en entendre davantage. Dans les plus petits rôles, la basse Matteo Peirone est un amusant Sacristain avec une voix légère. Le baryton Nikolay Bachev (Sciarrone) et le ténor Dimiter Dimitrov (Spoletta) sont des gardes bien présents dans leurs rôles. Enfin, le chœur marque véritable un séisme vocal, dans ses trop rares interventions. La Tosca de ce vendredi est donc un nouveau déchirement du siècle romantique, jusqu'à son finale, emblématique et symbolique.