Festival de Printemps des Arts Florissants : Henry Purcell & Friends
Retrouvez le premier de ces deux comptes-rendus de voyage : l'article 100% Pur-Cell, ainsi que ce voyage contrepointé sur notre autre site.
Ces concerts matinaux ont lieu à l’église Saint-Georges de Sainte-Juire-Champgillon. Les plus observateurs remarqueront que le discret vitrail surplombant son entrée représente Saint Georges renversant les idoles, en l'occurrence une statue d’Apollon (Dieu de la musique et des arts, entre autre incarné par Paul Agnew dans l'Orfeo de Monteverdi), et qu’un concert en ce lieu ne manque en conséquence pas d’une certaine ironie.
Le concert du samedi matin met à l’honneur, Benoît Hartoin, pilier de la formation depuis près de vingt ans, habituellement accompagnateur et de nature discrète. Le claveciniste présente pour l’occasion un angle d’attaque inhabituel sur Purcell et ses contemporains : la mort précoce. Le britton –dont est donnée la suite en sol mineur– serait ainsi mort, dit-on, d’une maladie contractée après avoir dormi dehors, car son épouse l’aurait empêché de rentrer, en représailles d’une sortie au théâtre, ou au pub. De même, Alessandro Stradella –dont est donnée la Toccata en la mineur– succomba à un assassin lancé à ses trousses après une liaison avec une de ses élèves. Couperin et Mozart viennent conclure le programme fait de grande fluidité et mise en place rythmique (de même que des arpèges ruisselants et impeccables). L'auditeur retiendra de ces trois quarts d’heure la très grande fluidité et l’excellente mise en place rythmique du soliste. En bis, le claveciniste choisit de prendre le contrepied de sa programmation avec une œuvre de Forqueray dédiée au roi des immortels : Jupiter.
Le concert du second soir, plus intimiste que celui de veille, et donné en l’église de Sainte-Hermine, est consacré aux Divine Hymns du compositeur totem et de ses pairs, Croft, Blow et Humfrey. Placé sous la figure tutélaire de William Christie aux orgue et clavecin (tandis que Paul Agnew repasse au chant), le fondateur est accompagné de deux autres instrumentistes : Myriam Rignol à la viole de gambe et Thomas Dunford (compagnon théorbiste). Cinq chanteurs alternent ou se conjuguent pour interpréter les pièces sacrées. Leur synchronisation, tant rythmique qu'au niveau de la projection et de l’utilisation des silences, est d’autant plus appréciable que William Christie, afféré à sa partition, ne peut explicitement diriger.
La soprano Natasha Schnur (lauréate du Jardin des Voix 2017) offre son timbre net au vibrato légèrement marqué. L’articulation est claire et la projection tend à s’amplifier, plus que de raison dans les aigus. Soucieuse de la cohérence harmonique générale du rendu dans les parties polyphoniques, elle tend à brider son timbre mais la technique est naturelle et elle démontre de belles variations d’intensité. Dans Now that the sun hath veil’d his light, ses premières phrases ont des allures exquises de berceuse avant de gagner discrètement mais sûrement en relief et en puissance. La mezzo Rebecca Leggett (lauréate du Jardin des Voix 2023) livre ce soir-là une prestation unanimement remarquée et prometteuse quant à la suite de sa jeune carrière. Le timbre rond et la tessiture lyrique sont agrémentés d’une technique aisée. La projection est globalement de qualité, mais pourrait encore gagner dans le grave de sa tessiture en fin de phrase longue. Les variations d’intensité sont remarquées, de même que la longueur de souffle et la capacité à insérer des nuances ciselées dans son interprétation, qui lui confère par moment des allures d’évangéliste de passion bachoise. Son dernier solo lui vaut un discret baiser, envoyé à distance par William Christie tout sourire derrière son clavecin.
Paul Agnew conserve dans le chant sa clarté de timbre, son aisance technique et sa capacité de projection y compris dans le grave de sa tessiture. Son timbre se fait velouté et soutient l’intensité dramatique. Rodé à ce répertoire, l’intensité et la musicalité semblent être une formalité, tout en nuance et en délicatesse, dans les piani et les variations dynamiques. Hugo Hymas, également ténor, déploie sa tessiture lyrique, plus puissante et joue efficacement le rôle de charnière dans le trio masculin, avec une longueur de souffle affirmée. Enfin, la basse Edward Grint, fait état de sa bonne musicalité avec une mise en place rythmique irréprochable. La technique est agile, facilitée par la légèreté de sa tessiture (mais sa respiration nasale est ce second soir plus audible et marquée que lors du premier concert).
Les soirées s’achèvent alors sur une reprise en bis et en chœur de O all ye people clap your hands, qui confirme les qualités de groupe observées jusqu’alors, avant que le public ne batte effectivement des mains, pour applaudir –chose dont il s’était abstenu tout au long du concert, de même que la veille.
Enfin, l'office musical du dimanche matin est proposé en la paroisse Saint Georges, sur un format identique réunissant Florian Carré au clavecin, Augusta Mckay Lodge –à retrouver dans le premier volet de l'article– dans un programme dédié au thématique Purcell, et à ses contemporains. La jeune violoniste livre pour l’occasion une prestation engagée physiquement et remarquée de nuances et de musicalité. Le prélude de la Suite n°2 de Purcell lui permet de démontrer la palette expressive permise par un instrument baroque. Au clavecin, Florian Carré, rodé à l’accompagnement et à la basse continue, remplit impeccablement ce rôle. La clarté de la rythmique est cristalline et il parvient à accompagner efficacement les variations d’intensité, faisant fi des limites de son instrument sur ce point (un clavecin étant un instrument à cordes pincées par un mécanisme, la puissance des sons émis ne dépend pas de la force avec laquelle le claveciniste frappe les touches). Le travail d’écoute est patent, de même que la synchronisation des respirations avant les attaques conjointes. La technique individuelle est également mise à l’honneur dans le redoutable Diverse Bizzarie sopra la Vecchia Ciaccona de Matteis. En bis, un John come Kiss me now endiablé vient clôturer le concert : un bon baiser de Vendée.