Le Québec à Paris et Karina Gauvin racontent Paris au Québec
Drôle d’histoire : la maison de disque ATMA Classique, sise à Montréal, organise un « mini-festival », nommé Le Québec à Paris pour présenter au public français les artistes dont il publie des enregistrements. Or en ce dimanche soir, Karina Gauvin présente un programme racontant le voyage inverse, avec l’exode de jeunes orphelines, les Filles du Roy, poussées par Louis XIV à rejoindre le Nouveau monde pour y trouver mari et peupler ce territoire : 770 femmes font le voyage et engendrent 4.500 naissances. L’une d’elle, Marie Hubert se trouve justement être l’aïeule de Karina Gauvin (il faut dire que, selon le pianiste Pierre McLean, deux tiers des québécois d’aujourd’hui descendraient de ces jeunes femmes). C’est cette histoire que la cantatrice conte, illustrant les passages parlés de mélodies issues des folklores québécois et français.
Vêtue d’un costume traditionnel et d’un chapeau tricorne, la voici qui se place dans les souliers de Marie Hubert, racontant sa jeunesse, sa traversée, son mariage, sa maternité, puis son deuil et sa reconstruction, avec fraicheur, d’un ton parfois candide presqu’empreint de coquetterie, parfois mélancolique, jusqu’au récit du décès de son mari Nicolas, les trémolos dans la voix.
La cantatrice calibre le volume de sa voix afin de ne pas saturer l’espace intime de cette jolie salle de la Bibliothèque musicale La Grange-Fleuret accueillant 70 personnes. La voix paraît libérée par cette proximité avec le public. Elle se fait chaude et brillante, en accord avec la rondeur des phrasés. Son chant s’imprègne de théâtralité, par son sourire ou ses sourcils froncés. Investie, elle s’accompagne même en tapant du pied dans « J’ai tant dansé », tournant les pages de sa partition avec panache. Son vibrato léger, s’accompagne de légers mouvements des lèvres, même lorsqu’elle conclut ses fins de phrase la bouche quasi-fermée.
Pierre McLean, au piano, a la lourde tâche de remplacer l’orchestre qui accompagnera la soprano dans l’album Marie Hubert, Fille du Roy à paraître à l’automne. Il s’adapte aux univers des différentes mélodies, se faisant lascif ou sautillant voire bondissant, toujours attentif à suivre les courbes de la ligne vocale de la chanteuse.
Ce projet, très personnel, tire son origine de recherches effectuées durant la pandémie, alors que la planète était « encabanée », puisant son répertoire dans les folklores québécois et français, illustrant le récit écrit par la chanteuse, sur la base de l'histoire vraie de son ancêtre. Le public se montre charmé par la fraicheur de ce conte et de son interprétation.
Retrouvez également l'épisode présenté par Karina Gauvin dans l'intégrale des Mélodies de Massenet publiée chez ATMA Classique, et rendez-vous sur notre site-frère pour les recensions des autres journées de ce Festival Le Québec à Paris