Bruno De Sá, sopraniste aux mille feux à La Galerie des Glaces
Ce programme gravé au disque se rapporte à l’opéra baroque romain du XVIIIème siècle et tout particulièrement aux personnages féminins issus de ce répertoire. À la fin du XVIe siècle, par décision papale, les femmes se trouvaient bannies des scènes lyriques sur l’ensemble des territoires pontificaux. Des hommes reprirent alors leurs rôles et leurs tessitures : les castrats qui régnaient sans égal.
La pratique est heureusement abolie, mais certaines voix d'hommes continuent de s'exprimer dans ces tessitures aiguës, comme c'est le cas de Bruno De Sá, qui n'est pas seulement contre-ténor mais sopraniste (égalant la voix de soprano), revendiqué en tant que tel, doté d’une virtuosité étonnante alliée à une musicalité sans faille. Le chanteur fascine déjà visiblement le public, par le répertoire baroque qu’il aborde et par les moyens qu’il met en œuvre pour le servir.
Avec son corps gracile et délié, son œil pétillant, mais aussi la sincérité et la profondeur des sentiments qu’il exprime, il incarne chaque personnage qu’il interprète bien au-delà de la performance strictement vocale. L’air de la Marquise Lucinda, "Furie di donna irata", extrait de l’opéra La Buona figluola de Niccolò Piccinni, en représente l’exemple le plus représentatif. La technique vocale de Bruno De Sá vire au feu d’artifice, entre vocalises libres et faciles, notes piquées et insolentes de précision, art de la demi-teinte et de la note comme suspendue dans l’espace qu’il parvient à étirer immensément. Pour autant, la ligne de chant ne se brise à aucun moment, stable et subtile. Le goût est toujours présent même dans l’exubérance et la démesure. La voix de plus n’est pas modeste et l’aigu, voire le suraigu, se déploie avec vivacité et clarté.
Le programme lui permet également de montrer d’autres facettes de son talent, faisant preuve de déploration, d’une délicatesse de style non affectée et lumineuse mais aussi d’une volubilité savoureuse, caractérisant telle héroïne (Deidamia, non pas de Händel mais de Giuseppe Arena dans Achille in Sciro) pleine de flamme qui se plaint de l’infidélité des hommes et semble renoncer à l’amour.
L’osmose du chanteur avec Il Pomo d'Oro se fonde sur une visible admiration réciproque. Disposant d’un magnifique clavecin Ecole Grimaldi spécifiquement conçu pour les concerts organisés par Château de Versailles Spectacles, Francesco Corti conduit ses musiciens sur les routes des sonorités les plus pleines et des couleurs les plus variées. Il Pomo d'Oro alterne son accompagnement du chanteur avec des Sinfonie d’opéras, Sonata et Concerto comblant la virtuosité du programme salué avec enthousiasme par l’ensemble du public présent.
Les échos et les reflets musicaux résonnent et rebondissent dans cette Galerie des Glaces d’où ce programme part pour se rendre à la Chapelle Corneille de Rouen, ville où le sopraniste reviendra ensuite pour Roméo et Juliette de Gounod (dans le rôle de Stephano).