Triomphe de la Resurrezione de Haendel au Festival du Périgord Noir
Le défi était de taille pour l’Académie baroque internationale du Festival du Périgord Noir, puisqu’il s’agissait de monter une œuvre imposante et réputée particulièrement difficile, en seulement douze jours de répétition collective. L’équipe artistique, dirigée par Iñaki Encina Oyón, rassemble une quarantaine de musiciens venus des quatre coins du monde, avec le concours de professeurs de renom tels que Johannes Pramsholer pour les violons, Christophe Coin pour les violoncelles et la viole de gambe, Jon Olaberria pour les vents, Alejandro Sandler pour les cuivres, Benoît Babel pour les chœurs et Carlos Aransay pour la technique vocale, le tout devant constituer un groupe soudé, et un tremplin pour les jeunes artistes en début de carrière. La promesse est tenue, pour le plus grand plaisir des festivaliers de cette édition 2022.

Dès les premières notes, le public est saisi par l’acoustique de l’église abbatiale de Saint-Amand-de-Coly. Le son de l’orchestre, installé sous la croisée du transept, se répercute sous les voûtes de pierre. Sous la direction sobre et incisive d’Iñaki Encina Oyón, l’ensemble sonne très uni, entraîné par un pupitre de violons énergique, aux phrasés théâtraux. Les bois et les cuivres ne sont pas en reste et résonnent très clairs et princiers. Le théorbe, le violoncelle solo et la viole de gambe, placés au premier rang, accompagnent suavement chanteuses et chanteurs sur les arias da capo. Les deux clavecins, en fond d’orchestre, assurent pour leur part le continuo des récitatifs avec méticulosité. L’ensemble est solide et riche en couleurs.
L’oratorio débute par une confrontation entre l’Ange et Lucifer. Ils sont incarnés respectivement par la soprano Ana Escudero et le baryton Vladimir Rueda. La première déploie une voix solaire, haut placée, riche en harmoniques de tête et vocalisant avec souplesse grâce à une grande tenue de souffle. Le second campe son personnage avec prestance, d’un regard noir et sardonique rivé sur le public. Sa voix plaquée dans le masque et le palais sonne très nette, surtout dans l’aigu projeté avec un timbre ténorisant. Il n’hésite pas à enlaidir ce timbre, en adoptant un ton grinçant et douloureux, prouvant par là même sa compréhension du personnage : Lucifer n’est pas seulement l’antagoniste de la pièce, c’est aussi le premier des damnés, sans espoir de rédemption.

La soprano Natacha Nocetti livre une prestation remarquée dans le rôle de Marie Madeleine. Sa voix au médium riche et au timbre émouvant emplit la salle. Interprète touchante, elle apporte de la sensibilité à son chant, avec des attaques de notes cristallines, des sourires émus, des phrasés languissants. À ses côtés, Angéline Moizard campe Marie Cléophas de sa voix de contre-alto profonde et sonore, d’un timbre très égal. Son sens de la musicalité, sur un legato soyeux épousant la moindre désinence, confère à son chant un naturel captivant.
Généreux dans son chant et d’une fraîcheur juvénile, le ténor Juan de Dios Mateos s’acquitte avec grâce du rôle de l’apôtre Jean. Sa voix au timbre clair est puissamment projetée. Il passe aisément de l’aigu au médium, jusque dans le grave qui résonne avec un vibrato duveteux. Enfin, servi par une technique belcantiste bien assurée, il s’acquitte sans peine des vocalises et agrémente les reprises de ses aria da capo de quelques aigus lumineux, caressés en voix mixte avant d’être amplifiés.

Sur les interventions du chœur, les interprètes du soir sont rejoints par leurs collègues de la seconde représentation. Leurs dix voix produisent un important volume sonore, dans un ensemble uni où les différents pupitres sonnent avec clarté. Ils auront l’occasion de rechanter le somptueux finale en bis, à la grande joie du public.
Lorsque le concert s’achève, il fait nuit noire sur l’abbaye. Les spectateurs, conquis, saluent la virtuosité des interprètes, instrumentistes et chanteurs confondus, et louent la beauté et l’acoustique du lieu.
Lire notre compte-rendu du concert donné par la seconde distribution