José Carreras en légende lyrique sur ses terres catalanes à Peralada
À désormais 75 ans et malgré une maladie qui l’aura beaucoup éloigné des planches, José Carreras revient en force sur la scène de Peralada avec un récital très attendu par ses admirateurs et le grand public qui l’a admiré avec Les Trois Ténors (phénomène de société qui le réunissait dans des Stades avec Plácido Domingo et Luciano Pavarotti). Ce concert est un hommage du Festival Castell de Peralada à ce grand artiste (et réciproquement), José Carreras y ayant fait son retour sur scène le 13 août 1988, après une lutte miraculeuse contre la leucémie, y revenant les deux années suivantes, pour Médée avec Montserrat Caballé puis pour Samson et Dalila, entre autres : pour un total de huit prestations in loco. Autant de souvenirs ravivés par la présence de l’artiste et par une très touchante vidéo d’hommage diffusée au début de la deuxième partie du concert, le ténor recevant des mains de la Présidente de la Fondation Castillo de Peralada, Isabel Suqué Mateu, la Médaille d’Honneur du Festival.

José Carreras débute son concert avec L’ultima canzone de Tosti, et présente par la suite, avec micro, un programme composé de mélodies et de chansons napolitaines et catalanes peu exigeantes vocalement (fait absolument logique et compréhensible, en considérant la longue carrière emplie de péripéties pour l’artiste). Bien entendu, sa voix n’est plus celle d’autrefois, les graves même amplifiés font défaut et les aigus ne brillent qu’à la fin du concert (culminant en un sommet ferme et puissant du Core 'ngrato), mais son timbre a gardé une grande partie de cette belle couleur chaude et veloutée. Le vibrato très ample l’aide à déployer la voix en luttant contre les instabilités du phrasé et les défauts du soutien par moments. Même si pendant la première partie du concert il se montre un peu craintif et mal à l’aise du regard et de la posture, il s’affirme bien davantage durant la deuxième partie, avec une expression plus vaillante et passionnée. Il montre aussi qu’il est toujours capable d’imposer sur scène cette élégance et cette assurance qui l’ont toujours caractérisé.

Le célèbre ténor partage la scène avec la soprano Martina Zadro, qui présente en solo quelques morceaux lyriques, avec une très bonne prononciation en français, un bel canto tout à fait italien, de l’allemand d’opérette distingué, et toute la douceur de son timbre dans les quelques duos avec José Carreras. La prestance de la chanteuse s’affirme sur scène, ainsi que dans la voix même s’il est étonnant qu’elle soit également amplifiée (son chant semblant assez large et puissant, il s’agit peut-être d’une forme de politesse pour son prestigieux collègue lyrique : raison pour laquelle elle semble aussi affaiblir ses aigus, avant de les lancer en intensités étincelantes acclamées du public).

L’Orchestre du Gran Teatre del Liceu (le grand opéra catalan) est placé sous la direction du neveu du chanteur, David Giménez Carreras qui conduit sans partition. La phalange devient un protagoniste de la soirée, tout en sachant se mettre en retrait mais sans perdre de ses qualités dans les épisodes lyriques, avant de déployer des élans dansants dans les morceaux symphoniques (malgré une battue quelque peu rigide). Le récital réserve aussi d’autres surprises, comme l’interprétation par Carreras d’El día que me quieras de Carlos Gardel précédant l’invitation spéciale de la jeune chanteuse catalane Mariona Escoda, gagnante du talent show catalan Eufòria, pour chanter en duo avec le ténor Un núvol blanc de Lluís Llach (célèbre figure musicale et politique ayant lutté pour la Catalogne et contre le franquisme).
Le public salue la générosité de José Carreras par des acclamations qui semblent infinies, frappant des mains et des pieds, à la fin du concert et à chacun des huit bis offerts en rappels !
