Sonya Yoncheva, mélodieuse mélodiste au Festival Castell de Peralada
Le programme sobre et intime mais romantique, parlant d’amour et de déceptions, est exclusivement composé de mélodies (même si la plupart des compositeurs au programme sont davantage connus pour leurs opéras). Le répertoire français essentiellement en première partie (Duparc, Chausson, Delibes) est suivi par l’Italie (Donizetti, Puccini, Tosti, Verdi).
Très attentif à la moindre inflexion vocale de la chanteuse et cherchant toujours aussi la connexion avec le public par un grand sourire, le pianiste écossais Malcolm Martineau accompagne la soprano de sa grande expressivité et précision au service d’une interprétation magistrale. Il apporte toute la force et délicatesse de son jeu virtuose et plein de contrastes, avec des sommets particulièrement passionnés.
Sonya Yoncheva séduit le public avec une ligne de chant très expressive, un timbre velouté dans les médiums et des aigus émis vigoureusement. La résonance de la bien-nommée Église du Carmen gêne parfois l’émission des aigus en chargeant un peu trop le son, même si l’artiste tente de mesurer la projection à l’acoustique. Malgré ce petit inconvénient, sa ligne de chant reste ferme et agile dans toute la largeur de sa tessiture, des aigus jusqu’aux graves, qu’elle soutient de manière très sonore. Ses départs et ses fins de phrases sont soignés, d’une grande délicatesse. Elle montre aussi des élans de puissance consciencieux, avec une dynamique musicale suave quand il le faut et proprement exécutée dans les sauts plus importants.
Le public lui décerne un excellent accueil, surtout lorsqu’elle interprète Haï luli! de Pauline Viardot, transmettant une émotion égalant celle des Filles de Cadix de Delibes, dans un tempo un peu plus lent que d’habitude mais avec un style vocal et gestuel hispanique accompli. Par le contact avec l’auditoire et le pianiste, la chanteuse déploie dans le cadre de ce récital un jeu théâtral, à la fois stoïque et vaillant (y compris face à la chaleur du lieu rehaussée par les projecteurs).
Le récital remporte un énorme succès, le public applaudissant debout durant de longues minutes avant de rappeler les artistes par trois fois. En retour, le pianiste et la chanteuse les gâtent avec “Donde lieta usci” (air de Mimí dans La Bohème), L’Habanera de Carmen où elle s’en va même séduire le pianiste par des caresses, avant “Adieu, notre petite table” (Manon de Massenet), entraînant une nouvelle salve d’applaudissements.