Carmina Latina, Noël austral aux Nuits de la Citadelle de Sisteron
Sous le ciel de Provence, au sein du cloître Saint-Dominique du XIIIe siècle, le Chœur de chambre de Namur emmené par les musiciens de l’ensemble sur instruments d'époque Cappella Mediterranea arrivent en procession dans l’allée centrale, entonnant une marche solennelle au rythme du tambour de Quito Gato. L’ensemble dirigé impeccablement par le chef Suisse-Argentin Leonardo García Alarcón s’efforce toujours avec passion d’explorer les musiques Espagnoles et Sud-Américaines des XVIe et XVIIe siècles, dont une grande partie reste à exhumer des partothèques d’Amérique Latine. Le programme de cette soirée, centré autour du thème de Noël, révèle la richesse de ces répertoires trop méconnus. Du Magnificat de Francisco Correa de Araujo, où le temps se trouve comme suspendu, aux pièces festives en rythmes syncopés très hispaniques, en passant par des villancicos d’un modernisme saisissant et auxquels le jeu de scène engagé des chanteurs donne des airs de zarzuela avant l’heure, les pièces aux caractères très contrastés s’enchaînent presque sans interruption.
Certains chanteurs sortent régulièrement du chœur pour interpréter des airs en soliste ou en ensemble de chambre (jusqu’à six voix). Parmi eux, la basse Matteo Bellotto assure le soutien harmonique des ensembles avec son timbre chaleureux. Considérant la dispersion des graves propre aux concerts en extérieur, l'auditeur pardonne aisément un léger manque de puissance. En revanche, il s'épanouit dans le duo complice qu’il forme avec Francisco Fernández-Rueda, qui concerte avec les tessitures aiguës en un jeu de questions-réponses. Le ténor espagnol, quant à lui, enchante le public par sa voix pleine, au timbre rond, qui apporte un beau relief à ses nombreux échanges avec ses partenaires.
Leandro Marziotte saisit l’auditoire par sa voix puissante aux accents sombres. Conservant une voix de tête tout en souplesse même dans le grave de sa tessiture, le contre-ténor montre une expressivité saisissante et s'acquitte de certaines vocalises particulièrement techniques avec grâce et précision, dégageant une (fausse) impression de facilité.
Enfin, le spectacle et l'assistance rendent hommage à Mariana Flores, qui illumine la soirée de sa présence scénique. La soprano argentine à la voix brillante, ponctuée d’un vibrato resserré, tient un rôle soliste dans presque toutes les œuvres, auxquelles elle confère des caractères très contrastés, du recueillement presque intime à l’exubérance teintée d’humour, passant de l’un à l’autre avec une désinvolture déconcertante et une joie communicative.
Le public, conquis, ovationne les artistes et se voit gratifié de deux rappels dont un émouvant duo Argentin entre Mariana Flores et Quito Gato au théorbe pour conclure cette magnifique soirée.