Somewhere over the rainbow au Festival Jeunes Talents
Il y a 11 ans, le Festival Jeunes Talents présentait pour la première fois un jeune pianiste de presque 20 ans, Guillaume Vincent. Aujourd'hui en 2022, alors que le Festival célèbre sa 22ème édition, ce pianiste revient en invité de marque pour une carte blanche. La soirée intitulée Somewhere over the rainbow fait référence à sa programmation diverse, arc-en-ciel, réunissant des œuvres de trois époques, trois pays et styles différents, interprétés en trio (piano, violon et violoncelle) avec l'adjonction d'une voix de soprano. De nombreux changements étant survenus dans ce concert (œuvres supprimées ou changées), mais aussi dans la composition du trio (Clément Verschave remplace Vassily Chmykov au violon), la Carte Blanche est d’une grande liberté, jusqu’à devenir quelque peu déroutante pour le public mais sans diminuer la qualité de l'interprétation musicale offerte ce soir.

La soprano française Cyrielle Ndjiki Nya chante des mélodies de Rachmaninov avec beaucoup d'émotions et d'habileté dans le phrasé (renforçant les regrets du public quant au fait que ses deux airs en russe soient supprimés du programme). Elle arbore un timbre rond et sombre, puissant et solide sur l'ensemble de sa gamme, qui comble la Cathédrale Sainte-Croix des Arméniens. Son phrasé est lisse et fluide, transmettant l'émoi et l'esprit de la poésie russe avec une prononciation très soignée (malgré un léger accent). L'émission est droite, émaillée d'un vibrato dosé qui embellit la ligne. Vers la fin du concert, elle s'attaque aux chansons celtiques de Beethoven avec agilité, mettant en avant le côté soyeux et tendre de son timbre qui élargit la palette des nuances qu'elle propose aux auditeurs. Cependant, quelques inégalités dans l'émission se glissent dans sa prestation, notamment dans les fragments doux, insuffisamment audibles et couverts par les musiciens, à la différence de la voix de poitrine qui lui permet un vrai épanouissement vocal.

Guillaume Vincent se dresse en guide souverain de l'ensemble des musiciens, par un jeu virtuose, clair et assuré. Ses phrases sont pétries de lyrisme, très sonores, précises et en bonne entente rythmique avec ses collègues. Il fait preuve d'une diversité dans le trio de jeunesse de Beethoven (opus 1, n°3), d'abord d'un ton lumineux, léger et volatile, avant d'être enrobé par les vents lourds et dramatiques du Sturm und Drang (l’origine du romantisme allemand). Il se présente en soliste avec une pièce de Camille Pépin (compositrice contemporaine), mais aussi avec Rachmaninov dont il saisit l'émotion, malgré un usage de la pédale (généralement habile) qui tend à embrumer certains passages.
Clément Verschave au violon tisse un fil sonore chaleureux et lyrique, au service de l'ensemble, avec un sens aigu pour la mélodie et le contrepoint (notamment dans la complémentarité avec le violoncelle). La violoncelliste Stéphanie Huang pour sa part teinte savoureusement le réseau harmonique dans le registre bas, mais "chante" aussi par son instrument résonnant en insufflant un pathos dramatique et poignant, avec beaucoup de délicatesse dans le trio de Rachmaninov.

Le public acclame et réclame des bis aux artistes, avant de poursuivre l'échange devant l'église dans une ambiance de convivialité.
