Véronique Gens à La Monnaie : le soleil en pleines Nuits
Dans ce programme entièrement consacré au thème éminemment romantique de la nuit, la soprano toujours aussi appréciée du public bruxellois s’aligne tel l'astre nocturne mais aussi solaire sur la vision des compositeurs qu'elle défend ici (Jules Massenet, Hector Berlioz, Ernest Chausson, Guillaume Lekeu, Guy Ropartz, Marcel Louiguy)… Autant de compositeurs qu’il est rare d’entendre -à fortiori ainsi réunis- en récital, ajoutant aux mystères de l’obscurité le mystère des musiques d'un temps révolu, remises en lumière.
Mystères de l’obscurité, abandons nocturnes, songes et cauchemars intimes viennent alors se soumettre à la musique à travers l’intimité qu'offre le récital. Le soleil de la lumineuse présence et du sourire de Véronique Gens a rendez-vous avec la lune et la nuit, l'artiste étant entourée de projections vidéo évoquant les dessins de rayons de lune à travers les feuillages (figure d’errance et de songe) dans cette grande salle assombrie de La Monnaie.
Le programme est ici pensé en quatre grands axes, à travers les cycles lunaires que sont le Crépuscule et les Nuits d’amour (porté par les partitions de Lekeu et Berlioz), puis les Rêves et Nuits d’ailleurs (à travers les orientales de Fernand de La Tombelle, Jules Massenet et Camille Saint-Saëns), jusqu'à basculer dans les Cauchemars et Nuits d’Angoisse (Fauré, Chausson et Ropartz), pour finir avec L’aube et la Nuit de fête (Louiguy, Widor et Hahn).
Les solistes formant l’ensemble I Giardini (Shuichi Okada, Hélène Maréchaux, Léa Hennino, Pauline Buet et David Violi en quatuor à cordes et piano) offrent une grande richesse sonore, chromatique, ample et versatile, enrobant les arias volatiles de la chanteuse.
La voix sensuelle et charnue offre certains éclats bien particuliers au sujet nocturne. Son timbre chaud et acidulé balance avec la froideur des nuits les plus inquiétantes, tout en rassurant son auditoire par l'élégante élévation retenue de sa diction toujours impeccable, au service de ce récital-ballade nocturne, balade intime.
Hors-programme annonciateur du retour à la réalité en fin de récital, L’Amour masqué d'André Messager, surprend le public très réactif, qui s'en amuse et amuse Véronique Gens qui leur répond de ses propres éclats de rire.
En bis, La dernière Valse de Reynaldo Hahn annonce la fin de cette rencontre, d'angoisses apaisées dans un étourdissement réjouissant.
C’est d’ailleurs avec le sourire aux lèvres et l’air comblé, après de longs et enthousiastes applaudissements que les spectateurs quittent le cocon ombreux de la salle pour aller retrouver les rayons d’un soleil moins délicat.