La Corée en Paix au TCE
L’organisation Echos de la Corée, qui vise à promouvoir les échanges culturels entre la France et la Corée du Sud, organise au Théâtre des Champs-Élysées son 14e Concert pour l’amitié Franco-Coréenne. La soirée se montre sous le signe de la joie et d’une dédramatisation constante, en dépit de la situation internationale complexe. Mia Lee Dervout, présidente de l’organisation, rappelle ainsi que ce concert promouvant la paix, prévu il y a deux ans et déjà reporté deux fois, devient encore plus important aujourd’hui. Le programme de la soirée mêle ainsi inspirations européennes et coréennes, avec un choix de compositeurs français, comme Gounod ou Saint-Saëns, et des chants populaires coréens (des compositeurs H. Lee et G.S. Lim). Les pièces de récital s’enchaînent avec spontanéité, les chanteurs jouant sur la scène et interagissant comme des acteurs de stand-up avec le public, qui rit souvent. Les grands airs du répertoire lyrique permettent alors à chacun des chanteurs, ainsi qu’au pianiste, de montrer leur brio, dans 16 pièces et trois bis, parmi lesquels L’Hymne à l’Amour d’Edith Piaf, chanté en français et en coréen par Sumi Jo et Kiup Lee.
Sumi Jo est accueillie et saluée comme la grande star de cette soirée. Élue « artiste pour la paix » de l’UNESCO en 2003, elle illumine le moment par sa bonne humeur et son enthousiasme. Pourtant, elle explique qu'elle était aphone le matin même : pour reprendre ses mots, sa performance tient donc bien du « miracle ». Si la voix de la soprano fatigue certes un peu sur la fin du concert, conclu par l’Ave Maria en troisième et dernier bis, elle commence la soirée avec énergie, montrant ses grandes qualités techniques. Ses suraigus sont portés par une voix cristalline, avec une grande attention portée aux nuances et aux mouvements de la phrase. Son vibrato très fin donne ainsi une couleur particulière aux chants en français, laissant apercevoir une intéressante dynamique de la phrase.
Le ténor Kiup Lee, fait montre d’un timbre particulièrement harmonieux avec celui de Sumi Jo : chaleur dans les aigus purs et cristallins, grande précision technique, avec des attaques souples. Il assume ses parties avec subtilité dans la simplicité mais le programme le met toutefois peu en valeur.
Florian Sempey s’impose alors sur scène avec une grande aisance. Dans un style totalement différent, le baryton français devient la figure italienne romantique de la soirée, par un vibrato large et puissant, et une grande onctuosité dans les attaques. Sa désinvolture joyeuse fait son plein effet quand il chante sans honte aucune la fameuse « Chanson du bébé » de Rossini en premier bis. Cette extériorité tapageuse de l’interprétation du baryton, qui alterne les voix de têtes comme autant de personnages, s’oppose pourtant aux choix plus intérieurs des deux chanteurs coréens, entraînant un déséquilibre en puissance et en esthétique dans les pièces à deux ou trois voix.
Dans cette soirée mettant en scène avec humour le mariage européen et asiatique, assez littéralement aussi puisque dans la deuxième partie Sumi Jo apparaît en grande robe blanche, hésitant entre les Dom Juan que sont les deux voix masculines, l'union musicale a lieu non pas entre chanteurs mais entre le pianiste et la soprano. Jeff Cohen apparaît ici comme un musicien délicat, plus à l’aise dans les mélodies françaises que dans les grands airs potaches, mais qui n’hésite pourtant pas à faire lui-même l’acteur.
Le public d’officiels et d’amateurs, parmi lesquels siègent l’ambassadeur de Corée et des généraux haut-gradés, applaudit alors avec bonheur cette soirée enlevée et définitivement placée sous le signe de la joie, dans la Paix.