Requiem et Jupiter de Mozart par Jordi Savall à la Philharmonie de Paris
Un immense enthousiasme traverse le public dès que le chef catalan entre sur la scène. Avant le Requiem, réservé à la seconde partie du concert après l’entracte, il dirige la Symphonie n°41 "Jupiter" de Mozart et, à peine achevée, c’est un premier tonnerre d’applaudissements qui n’en finit pas, appelé par une direction élégante dans sa fermeté et sa fluidité, ainsi que l’engouement de l’orchestre pour cette pièce.
En seconde partie, pour le Requiem, cœur du spectacle, Le Concert des Nations est rejoint par le chœur de La Capella Nacional de Catalunya et les solistes, qui s’installent de part et d’autre du maestro et se relèvent lorsque c’est à leur tour de chanter. Parmi eux, la soprano Rachel Redmond ouvre le bal avec une voix légèrement timide au début, qui prendra peu à peu de l’assurance par la suite. Le chant est fluide, le timbre est clair et chatoyant, la ligne est souple et bien menée, l’ensemble se mêlant avec celui de Marianne Beate Kielland, dont le mezzo s’éclaire alors d’aigus pétulants. Cette cantatrice présente par ailleurs un timbre chaud et velouté, riche dans la variété des couleurs et une voix plus ample, quoiqu’ici particulièrement mesurée.
Concernant les voix d’homme, Manuel Walser possède un baryton d’une bonne tenue, accompagnant un timbre coloré de nuances claires, pour un chant vif et concentré, manquant toutefois d’ardeur. À ses côtés le ténor Mingjie Lei déploie une voix plus large et plus ronde. Le timbre est lumineux, la ligne souple et aérée, la diction impeccable. Ensemble, les quatre voix se rejoignent dans une douce harmonie, proposant ainsi l'union de couleurs vives qui viennent s’entendre avec le chœur.
Le chœur de La Capella Nacional de Catalunya s’engage dans un rythme de feu qui ne relâche jamais la tension déployée, ni dans le galop du Dies Irae, ni même dans l’imploration du Lacrimosa. Par le contraste des voix, il propose une profusion de richesse de sons, notamment dans les aigus rutilants des sopranos qui luisent au milieu des graves barytons. L’harmonie entre tous les chanteurs est également de mise, tous s’appliquant à une interprétation sinon impeccable, particulièrement impressionnante de l’œuvre de Mozart, notamment due à la puissance du rendu (voilà que le sol de la salle se met à vibrer !) – et le public, ne s’y trompant pas, remercie le chœur d’une explosion d’applaudissements alors qu’il vient saluer.
Enfin, Le Concert des Nations, dirigé par Jordi Savall, entame les deux pièces avec majesté. La direction est précise, fluide et leste, pénétrante surtout, s’engageant dans la profondeur de la musique mozartienne pour exciter ses forte et éveiller tendrement ses piani. En face, l’orchestre se caractérise par une belle maîtrise et touche particulièrement dans les deuxième et troisième mouvements de la symphonie Jupiter, notamment grâce à la solidité de nuances exprimées sur les instruments d’époque (l’une des marques du Concert des Nations) et l’émulation régnant entre ses membres. Mention spéciale est faite au decrescendo des deux flûtes et à l’expressivité des cors. Les violonistes ne sont pas en reste, et le spectateur attentif discerne même quelques sourires complices entre les interprètes, autre preuve de la belle entente régnant entre les artistes – comme avec leur chef, qui vient presque remercier chacun d’eux à la fin des deux œuvres.
Pas de bis après une œuvre comme celle-ci, déclare Jordi Savall au public. Néanmoins, après un court discours sur la situation de l’Ukraine et les horreurs de la guerre, tous reprennent ensemble le Lacrimosa du Requiem, plus émouvant encore. Le public éclate à nouveau en applaudissements intarissables, alors qu’enfin s’achève le concert.
Jordi Savall Le Concert des Nations La Capella Nacional de Catalunya W.A.Mozart Symphonie no.41 Requiem pic.twitter.com/qFBlGd7Bl5
— Mistral (@mistralienne) 9 mai 2022