Lea Desandre en Amazone à Deauville
Dès le premier air dans lequel la chanteuse avertit avec de grands éclats de rire que quiconque offensera ces combattantes appelées Amazones risquera de périr, Lea Desandre installe la pureté de son timbre, la virtuosité et la netteté de la diction. Le second air, également extrait de Lo schiavo di sua moglie (Francesco Provenzale) plonge dans un tout autre caractère, celui d’une lamentation, déployant des nuances subtiles, variées et une grande délicatesse dans les vocalises pour installer une densité expressive. En deux temps, le ton est ainsi donné à ce concert judicieusement conçu comme un opéra baroque autour de la thématique des Amazones, alternant pièces instrumentales et airs, italiens et français.
La chanteuse traverse ainsi ce programme au galop, avec agilité, énergie, audace, d’un tempérament impétueux qui peut aussi révéler une grande délicatesse. La vélocité dans les vocalises mène à des aigus flamboyants, comme la profondeur émouvante de son timbre exalte la douleur, avec une égale aisance, sincère et engagée. Elle passe ainsi de l’indignation et de la rage barbare à l’émotion touchante, par une palette d’intensités variées allant jusqu’au murmure entrecoupé de silences, de couleurs assombries et de dissonances harmonieuses afin d’humaniser cette guerrière qui aime, se délecte et souffre.
Les huit instrumentistes de l’Ensemble Jupiter savent aussi bien tenir que lâcher la bride de leur accompagnement, avec la souplesse et la liberté du moment choisi, sans chef autre que le regard attentif de Thomas Dunford, mais dans une écoute palpable. Les timbres se mêlent ou dialoguent harmonieusement avec le chant notamment dans les plaintes tandis que les vengeances et tempêtes sont portées par l’ensemble au complet (jusqu’à parfois couvrir la voix dans cette salle à l’acoustique sèche).
Le concert se termine à bride abattue avec Vivaldi (Scenderò, volerò, griderò : je descendrai, je volerai, je crierai) et entraîne des applaudissements fournis pour cette chevauchée musicale mémorable.
Captation du programme Amazone à la Chapelle Corneille de Rouen :