Bel canto en duo de Flórez et Monzó au Festival de Pâques d’Aix
Le récital, d’une durée généreuse de plus de deux heures, vient piocher dans les grandes pièces de l’opéra romantique français et italien, de Rossini à Puccini. Des opus gravés dans les mémoires (La Cenerentola, Roméo et Juliette, La Bohème) alternent avec des œuvres moins souvent jouées (Il Signor Bruschino de Rossini ou encore Linda di Chamounix de Donizetti). Toutes ont l’amour comme histoire commune, aussi souvent impossible que passionné : de quoi permettre aux deux artistes, séparément ou en duo, de déployer leurs moyens vocaux dans toute une palette d’émotions fugitives et de sentiments éternels. L’endurance vocale, physique et psychologique des deux chanteurs est portée par la solidité à toute épreuve de la phalange lyonnaise et du chef.
Le ténor péruvien Juan Diego Flórez déploie sa reconnaissable vocalité souple qui enrobe progressivement la ligne de chant, depuis le pianissimo jusqu’au fortissimo. Le timbre coloré et lumineux reste cependant homogène, et c’est la gravure de la diction qui réinjecte sans cesse l’énergie. Sa longueur de souffle suspend celui de l’auditoire. Enfin, comme de coutume dans ses récitals, il se saisit d’une guitare pour réunir le lyrisme de son ténor aux refrains et fondus enchaînés de la musique populaire latino-américaine.
La jeune soprano espagnole Marina Monzó se révèle pour une grande part du public mélomane comme une révélation, impressionnant par son aisance, sa maturité autant vocale qu’expressive, son grand vibrato enveloppant le médium, le diamant de ses aigus taillés d’arêtes précises, ses lentes amplifications sonores depuis le pianissimo jusqu’aux nombreux aigus colorés atteints avec la souplesse d’une caresse, ses changements de couleurs dans les attaques (de la supplique à l’inquiétude douce-amère).
Les duos se font en tendresse, dans le contact des voix, des mains, du front, d’accolades et d’embrassades. La conversation vocale est lyrique, suave et solide.
Le chef américain Christopher Franklin à la prestance et la mèche rebelle de circonstance, dirige à grands traits l’expressivité de ces partitions tout en conservant sa proximité avec les deux solistes dont il recueille les silences, les respirations autant que les élans. La phalange lyonnaise lui rend un métal poli, brillant, constamment en place et avec un enthousiasme visible. Le détail de la petite harmonie répond aux frémissements très ajustés des cordes, comme aux interventions musclées mais toujours rondes, des cuivres.
La Bohème pour la soprano et Turandot pour le ténor par-achèvent ce récital très applaudi par le public aixois et cosmopolite.