Stanislas de Barbeyrac entre Lied et mélodie au Festival de Pâques d’Aix-en-Provence
Les trois extraits de recueils retenus par les artistes, les Lieder eines fahrenden Gesellen (Chants d'un compagnon errant) de Mahler, quatre Mélodies de Duparc, et les Dichterliebe (Amours du poète) de Schumann ouvrent largement trois éventails : celui de petites narrations, intenses, ciselées et plurielles, celui d’une voix de ténor qui sait prendre les noires couleurs d’un baryton (presqu'un hommage à Stéphane Degout initialement prévu pour ce récital et qu'il remplace), celui d’une expression affirmée ou passée au tamis de la demi-teinte.
Passés les premiers moments de la mise en voix et en doigts dans l’auditorium Campra du Conservatoire Darius Milhaud, les registres émotionnels sont calibrés avec cohérence et conviction par les interprètes. Les dynamiques les plus extrêmes sont atteintes à l’intérieur d’un parcours structuré et sensible. La voix du ténor Stanislas de Barbeyrac, s’appuyant sur sa respiration maîtrisée et sa ligne de chant, est particulièrement généreuse, puissamment projetée. La palette étendue et précise des consonnes est caractérisée avec soin, d’une langue à l’autre, tandis que de micro-glissandi distillent leur amertume sur les voyelles. L’appareil dense du timbre clair-obscur (de gorge ou presque falsetto selon les registres) est charpenté par un lent mais étroit vibrato. L’aigu, un peu serré dans le pianissimo, s’épanouit progressivement, et devient rond, calme et pur.
Michel Dalberto joue et accompagne avec une élégance chantante, enchaînant les morceaux comme autant de portraits instantanés (d’une jeune fille en fleur). La connivence entre les deux artistes est palpable. Sans même avoir besoin de se donner des signaux de départ, le programme se met en place et se déroule dans la synchronisation d’une écoute mutuelle et d’une articulation commune des textes, travaillés à la syllabe et au motif comme à la grande échelle du souffle et de l’inspiration.
Le public, attentif et concentré pendant tout le récital, applaudit longuement ce moment choisi d’extase musicale et d’engagement artistique, alors que les deux artistes viennent d’explorer, avec générosité et authenticité, les tréfonds des émotions humaines.