Grand bol d’air(s) lyrique(s) à l'Opéra de Vichy
Leur première association, en présence du ténor Rémy Poulakis, avait déjà donné matière à des étincelles sonores, il y a plus de deux ans (notre compte-rendu). La soprano Ainhoa Zuazua Rubira et l’Orchestre d’Harmonie de Vichy se retrouvent à nouveau sur la scène de l'Opéra de Vichy, dans un répertoire de gala où de grands “tubes” côtoient des mélodies bien plus oniriques et dépaysantes, plongeant l’auditoire jusqu’en Europe centrale et même jusqu’à la Russie de Rimski-Korsakov (sans message autre que la volonté de faire vivre la musique dans toute son universelle et cosmopolite richesse). C’est ainsi la “Procession des Nobles” issue de l’opéra-ballet Mlada qui ouvre le concert avec chez les cuivres et percussions des sonorités d’emblée capiteuses et triomphales, et avec une justesse musicale et un dynamisme dessinant une ligne de conduite dont le tracé rectiligne jamais ne déviera tout au long du concert.
La soprano Ainhoa Zuazua Rubira habite pleinement ses rôles (puisés chez Verdi, Puccini, Mascagni) et déploie la grande étendue de ses moyens : médium robuste, large tessiture, et aisance dans l’émission. Soutenue par les sonorités lénitives de la harpe, petite bruine avant la tempête, l’imploration au ciel ("Pace, pace mio Dio" de La forza del destino) offre la puissance dramatique d’un aigu tonitruant. La soprano montre une même facilité dans la projection, et une égale faculté à porter toute la puissance dramatique atteignant de hautes altitudes y compris avec la rondeur du timbre et la sonorité d’un puissant éclat dans les passages fortissimo.
L’impeccable accompagnement du cor solo tout comme celui du saxhorn (venu remplacer le ténor Alfredo de La Traviata en coulisses) soutient la voix retenue et sensible sur le mezza voce et le legato dans un premier temps, puis une projection éclatante et généreuse retentissant jusqu’à l’aigu.
Placé sous la direction appliquée de Joël Jorda, économe de grands gestes mais dont les indications de main précises traduisent le perpétuel souci d’équilibre entre les pupitres et la soliste, l’Orchestre d’Harmonie de Vichy (composé à la fois de professeurs et d’élèves de conservatoire, mais aussi de musiciens amateurs) offre tout son professionnalisme. Le concert permet à l’ensemble des pupitres de se mettre en évidence, chez les cuivres comme chez les bois, comme dans cet extrait des Sirènes de la Moldau du méconnu compositeur tchèque du XIXème siècle Josef Richard Rozkošný, à l’écriture rappelant celle de Smetana, auteur d’une bien plus célèbre Moldau. Toujours dans ce répertoire populaire où ses musiciens trouvent depuis longtemps à s’épanouir, comme ici la clarinette et le hautbois, l’orchestre livre ensuite une 1ère Rhapsodie roumaine de George Enescu au jeu plein d’allant oscillant entre rythmes modérés et passages bien plus rapides, dessinant comme une épopée express au cœur des forêts de Transylvanie et des sommets des Carpates. Dans un autre genre, ramenant davantage à la matière lyrique ici célébrée, l’ouverture de La Scala di Seta est jouée avec enthousiasme, allégresse, et la maîtrise toute rossinienne de la note piquée et sautillante.
“O mio babino caro” est offert en bis au public et offre à la soprano une ultime occasion de faire valoir l’amplitude de sa voix robuste mais toujours en contrôle. La salle de l’Opéra, comble, ne boude pas son plaisir et applaudit longuement.