Heure lyrique tsigane par le Chœur de l’Opéra National du Rhin
Les concerts du Festival Arsmondo n’en finissent pas de puiser dans le répertoire savant européen afin d’en extraire « l’âme tsigane ». Après une Heure lyrique dédiée aux figures tsiganes dans les opérettes, cette fois, c’est le répertoire pour chœur qui est exploré. Établir un programme sur ce thème relève peu ou prou d’une gageure, comme le souligne le chef de chœur de l’Opéra National du Rhin, Alessandro Zuppardo. Le défi s’avère pourtant relevé : construit de manière chronologique, du XIXe au XXe siècle, le programme dessine une traversée européenne, d’Ouest en Est, de l’Espagne, l’Allemagne (contenue dans l’Empire austro-hongrois au XIXe siècle) à la Roumanie, lieu où de nombreux Tsiganes se sont désormais établis. Les œuvres suivent ainsi les traces de ces peuples voyageurs, qui, selon les régions, sont nommés Bohémiens, Gitans ou Roms. Les scènes de vie du peuple tsigane et la référence à leur talent musical irriguent ainsi les Zigeunerleben de Schumann et les cycles des Zigeunerlieder de Brahms. En écho au concert du collectif lovemusic dédié au poète Federico García Lorca, les extraits des Romancero Gitano du compositeur italien Mario Castelnuovo-Tedesco évoquent les couleurs andalouses, tandis que les œuvres des compositeurs roumains, Dariu Pop, Constantin Rîpă et Tudor Jarda, récemment re-découvertes par Alessandro Zuppardo, font place au pittoresque et s’inspirent clairement du répertoire traditionnel roumain.
Gênés par le manque de lumière, les chanteurs du chœur abordent d’abord le répertoire romantique avec rudesse. Parmi les soprani, les aigus, tendus, manquent d’épaisseur, et dévoilent une justesse fragile. Ces manquements s’estompent toutefois rapidement et font place à une grande richesse de textures.
Presque incisifs, les registres aigus des ténors éclairent vivement l’ensemble, tandis que les voix des alti, d’abord très discrètes, gagnent en chaleur et rondeur. Si les consonnes en fin de phrase ne sont pas toujours prononcées de manière synchrone, les unissons et fortissimi sont solides, prenant par moments une teinte martiale, surtout dans les pupitres des basses. Le passage au répertoire roumain confirme une réelle polyvalence du chœur, qui, avec une posture plus souple et avec enthousiasme, s’élance dans les glissandi, onomatopées, et sifflements.
D’une main sûre et détendue, et parfois même d’un seul doigt, Alessandro Zuppardo instille une grande énergie au chœur. Les sections plus densément rythmiques sont régulées avec soin et même, pointillisme.
Le pianiste Frédéric Calendreau accompagne avec ferveur le chœur, même si le toucher gagnerait à être plus doux et les passages rapides moins approximatifs.
Cette Heure lyrique s’achève sur le fulgurant « Crótalo » en bis et sur l’ovation unanime d’une salle comble et comblée.