Folie douce, Là-haut, à l’Athénée
Le Théâtre de l’Athénée présente l’opérette Là-Haut de Maurice Yvain, petit bijou de drôlerie au livret haletant, spirituel et potache à la fois, bien écrit avec d’innombrables jeux de mots. L’histoire est celle d’Evariste Chanterelle, mort prématurément, qui débarque devant Saint-Pierre débordé, rencontre l’ange-gardien de sa femme, Frisotin, avec lequel il redescend sur Terre afin d’éviter à cette dernière de fauter. La mise en scène de Pascal Neyron repose sur une scénographie dépouillée mais habillée d’accessoires bien sentis, participant au comique des situations. L’adaptation est bien construite, modernisant l’œuvre sans en altérer le style : il est d’ailleurs parfois difficile de distinguer ce qui appartient au livret d’origine et ce qui a été ajouté pour cette production.
La musique est enlevée, comme il se doit, quelque part entre le champagne et la fanfare (qui défile réellement sur le plateau dans la scène d’introduction). Les Frivolités Parisiennes, joyeux drilles dirigées par Nicolas Chesneau, jouent la partition avec toute la sincérité de leur engagement pour ce répertoire dansant et balancé.
Mathieu Dubroca en Evariste Chanterelle mène l’intrigue à un train d’enfer, s’appuyant sur une fibre théâtrale et comique certaine, et gardant d’ailleurs également la maîtrise du rythme dans ses parties chantées. Sa voix ferme et corsée reste homogène quel que soit le registre et malgré une grande implication scénique sur certains passages. Judith Fa campe Emma, attachante et pimpante. Sa voix tintinnabulante et ancrée dans l’aigu de son vibrato vif et léger, est projetée avec conviction, ce qui ne suffit toutefois pas toujours à être pleinement audible, notamment lorsqu’elle est en fond de scène ou lorsque le rythme est plus rapide.
Sur son petit nuage, le Frisotin de Richard Delestre reste toujours à la frontière du « trop », sans jamais y tomber. Ange déjanté, il ne compte pas ses efforts pour dynamiser la scène et provoquer les rires dans le public. Sa voix de caractère est bien assise, et sa scansion suit le rythme débridé de la musique, au risque parfois d’y perdre sa projection. Clarisse Dalles est plus en retrait scéniquement en Maud. Vocalement en revanche, la voix au timbre satiné est projetée avec enthousiasme, l’intensité de son vibrato s’adaptant aux intentions du personnage. Lorsque sa voix se perche, tout Là-Haut dans l’aigu, la ligne perd toutefois en stabilité. En Saint-Pierre, Jean-Baptiste Dumora apporte une sincérité qui rend ce personnage dépassé touchant. Si sa voix manque d’architecture dans l’aigu, elle s’assied plus confortablement dans des graves chaleureux, au vibrato régulier. Certes, le rôle de Martel est moins propice à mettre son interprète en avant : Olivier Podesta reste ainsi dans un jeu scénique sage et propre, ne disposant pas de la technique lyrique pour construire et projeter sa voix, qui reste quelque peu nasillarde.
Faustine de Monès, Stéphanie Guérin, Mathilde Ortscheidt et Marion Vergez-Pascal forment un chœur féminin aux voix moelleuses, bien accordées. Stéphanie Guérin structure l’ensemble de son beau timbre de mezzo puisé en fond de gorge et apporte son aisance théâtrale, y compris dans son jeu muet. Mezzo-soprano également, Mathilde Ortscheidt déroule un tapis vocal velouté sur lequel peuvent rebondir les voix de Marion Vergez-Pascal au caractère piquant et de la soprano Faustine de Monès à la voix fine et flûtée.
Le public, ravi de sa soirée, fait entendre son enthousiasme au moment de baisser le rideau sur une opérette qui mériterait d'être mieux connue.